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ODES ET BALLADES.


Des portes tout à coup les gonds d’acier gémissent.
La foule entre en froissant les grilles qui frémissent ;
Les panthères dans l’ombre ont tressailli d’effroi,
Et, poussant mille cris qu’un long bruit accompagne,
Comme un fleuve épandu de montagne en montagne,
De degrés en degrés roule le peuple-roi.

Les deux chaises d’ivoire ont reçu les édiles.
L’hippopotame informe et les noirs crocodiles
Nagent autour du cirque en un large canal ;
Dans leurs cages de fer les cinq cents lions grondent ;
Les vestales en chœur, dont les chants se répondent,
Apportent l’autel chaste et le feu virginal.

L’œil ardent, le sein nu, l’impure courtisane
Près du foyer sacré pose un trépied profane.
On voile de cyprès l’autel des suppliants.
À travers leur cortège et de rois et d’esclaves,
Les sénateurs, vêtus d’augustes laticlaves,
Dans la foule, de loin, comptent tous leurs clients.

Chaque vierge est assise auprès d’une matrone.
À la voix des tribuns, on voit autour du trône
Les soldats du prétoire en cercle se ranger ;
Les prêtres de Cybèle entonnent la louange ;
Et, sur de vils tréteaux, les histrions du Gange
Chantent, en attendant ceux qui vont s’égorger.

Les voilà !… — Tout le peuple applaudit et menace
Ces captifs, que César d’un bras puissant ramasse
Des temples de Manès aux antres d’Irmensul.
Ils entrent tour à tour, et le licteur les nomme ;
Vil troupeau, que la mort garde aux plaisirs de Rome,
Et que d’un fer brûlant a marqué le consul !

On découvre en leurs rangs, à leur tête penchée,