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LE DÉVOUEMENT.

Cherche quel beau destin, quel avenir sublime
Rayonne sur leurs fronts joyeux. —
Un triomphe éclatant peut-être les réclame ?
Quel espoir enivre leur âme ?
Quel bien ? quel trésor ? quel honneur ?… —
Ainsi toujours, hélas ! dans ce monde stérile,
Si la vertu paraît, à son aspect tranquille
Nous la prenons pour le bonheur !

Ô peuples ! ces mortels, qu’un Dieu guide et seconde,
Vont d’un pas assuré, d’un regard radieux,
Combattre le fléau devant qui fuit le monde :
Adressez-leur vos longs adieux.
Et vous, ô leurs parents, leurs épouses, leurs mères !
Contenez vos larmes amères ;
Laissez les victimes s’offrir ;
Ne les poursuivez pas de plaintes téméraires ;
Devaient-ils préférer aucun d’entre leurs frères
À ceux pour qui l’on peut mourir ?

Bientôt s’ouvre pour eux la cité solitaire.
Mille spectres vivants les appellent en pleurs,
Surpris qu’il soit encore un mortel sur la terre
Qui vienne au cri de leurs douleurs.
Ils parlent ; et déjà leur voix rassure et guide
Ces peuples qu’un fléau livide
Pousse au tombeau d’un bras de fer,
Et le monstre, attaqué dans les murs qu’il opprime,
Frémit comme Satan, quand, sauveur et victime,
Un Dieu parut dans son enfer !

Ils contemplent de près l’hydre non assouvie.
Pour ravir ses secrets résignés à leur sort,
Leur art audacieux lui dispute la vie,
Ou l’interroge dans la mort.
Quand leurs secours sont vains, leur prière console.
Le mourant croit à leur parole