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ODES ET BALLADES.

Ainsi dans leur effroi les nations s’assemblent ;
Un long cri monte aux cieux qui tremblent,
Au loin de mers en mers porté.
Le monde armé, craignant l’hydre aux ailes rapides,
Garde sous leur fléau ces mourants homicides,
Et les menace, épouvanté !

III



Alors n’est-il pas vrai, sybarites des villes,
Que les jeux sont plus doux, et les plaisirs meilleurs,
Lorsqu’un mal plus affreux que les haines civiles
Sème en d’autres murs les douleurs ?
Loin des couches de feu qu’infecte un germe immonde,
Qu’avec charme l’enfant du monde
Sur un lit parfumé s’endort !
Et qu’on savoure mieux l’air natal de la vie,
Quand tout un peuple en deuil, qui pleure et nous envie,
Respire ailleurs un vent de mort !

Chacun reste absorbé dans un cercle éphémère.
La mère embrasse en paix l’enfant qui lui sourit,
Sans s’informer des lieux où le sein d’une mère
Est mortel au fils qu’il nourrit !
Quelque pitié vulgaire au fond des cœurs s’éveille,
Entre les fêtes de la veille
Et les fêtes du lendemain ;
Car tels sont les humains, plaindre les importune.
Ils passent à côté d’une grande infortune,
Sans s’arrêter sur le chemin.

IV



Quelques hommes pourtant, qu’un feu secret anime,
Se lèvent de la foule, et chacun dans leurs yeux