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À LA COLONNE DE LA PLACE VENDÔME.

Et de toutes les capitales
Vos drapeaux savent les chemins.

Quand leur destin se pèse avec vos destinées,
Toutes les nations s’inclinent détrônées.
La gloire pour vos noms n’a point assez de bruit.
Sans cesse autour de vous les états se déplacent.
Quand votre astre paraît, tous les autres s’effacent ;
Quand vous marchez, l’univers suit !

Que l’Autriche en rampant de nœuds vous environne,
Les deux géants de France ont foulé sa couronne !
L’histoire, qui des temps ouvre le Panthéon,
Montre empreints aux deux fronts du vautour d’Allemagne
La sandale de Charlemagne,
L’éperon de Napoléon.

Allez ! — Vous n’avez plus l’aigle qui de son aire
Sur tous les fronts trop hauts portait votre tonnerre ;
Mais il vous reste encor l’oriflamme et les lys.
Mais c’est le coq gaulois qui réveille le monde ;
Et son cri peut promettre à votre nuit profonde
L’aube du soleil d’Austerlitz !

V



C’est moi qui me tairais ! Moi qu’enivrait naguère
Mon nom saxon, mêlé parmi des cris de guerre !
Moi, qui suivais le vol d’un drapeau triomphant !
Qui, joignant aux clairons ma voix entrecoupée,
Eus pour premier hochet le nœud d’or d’une épée !
Moi, qui fus un soldat quand j’étais un enfant !

Non, frères ! non, français de cet âge d’attente !
Nous avons tous grandi sur le seuil de la tente.