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ODES ET BALLADES.

Stamboul rugit ; Hellé remonte aux jours anciens ;
Lisbonne se débat aux mains de l’Angleterre…
Seul, le vieux peuple franc s’indigne que la terre
Tremble à d’autres pas que les siens !

Prenez garde, étrangers ! — nous ne savons que faire !
La paix nous berce en vain dans son oisive sphère,
L’arène de la guerre a pour nous tant d’attrait !
Nous froissons dans nos mains, hélas ! inoccupées,
Des lyres, à défaut d’épées !
Nous chantons, comme on combattrait !

Prenez garde ! — La France, où grandit un autre âge,
N’est pas si morte encor qu’elle souffre un outrage !
Les partis pour un temps voileront leur tableau.
Contre une injure, ici, tout s’unit, tout se lève,
Tout s’arme, et la Vendée aiguisera son glaive
Sur la pierre de Waterloo.

Vous dérobez des noms ! — Quoi donc ! faut-il qu’on aille
Lever sur tous vos champs des titres de bataille ?
Faut-il, quittant ces noms par la valeur trouvés,
Pour nos gloires, chez vous, chercher d’autres baptêmes ?
Sur l’airain de vos canons mêmes
Ne sont-ils point assez gravés ?

L’étranger briserait le blason de la France !
On verrait, enhardi par notre indifférence,
Sur nos fiers écussons tomber son vil marteau !
Ah ! comme ce romain qui remuait la terre,
Vous portez, ô français ! et la paix et la guerre
Dans le pli de votre manteau.

Votre aile en un moment touche, à sa fantaisie,
L’Afrique par Cadix et par Moscou l’Asie.
Vous chassez en courant anglais, russes, germains ;
Les tours croulent devant vos trompettes fatales ;