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ODES ET BALLADES.


VII



Voilà l’image de la gloire :
D’abord, un prisme éblouissant,
Puis un miroir expiatoire,
Où la pourpre paraît du sang !
Tour à tour puissante, asservie,
Voilà quel double aspect sa vie
Offrit à ses âges divers.
Il faut à son nom deux histoires :
Jeune, il inventait ses victoires ;
Vieux, il méditait ses revers.

En Corse, à Saint-Hélène encore,
Dans les nuits d’hiver, le nocher,
Si quelque orageux météore
Brille au sommet d’un noir rocher,
Croit voir le sombre capitaine,
Projetant son ombre lointaine,
Immobile, croiser ses bras ;
Et dit que, pour dernière fête,
Il vient régner dans la tempête,
Comme il régnait dans les combats !


VIII



S’il perdit un empire, il aura deux patries,
De son seul souvenir illustres et flétries,
L’une aux mers d’Annibal, l’autre aux mers de Vasco ;
Et jamais, de ce siècle attestant la merveille,
On ne prononcera son nom, sans qu’il n’éveille
Aux bouts du monde un double écho !