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LES FUNÉRAILLES DE LOUIS XVIII.

Je veux, aux rois que je remplace,
Succéder jusque dans la mort.
Ma dépouille ici doit descendre !
C’est pour faire place à ma cendre
Qu’on dépeupla ces noirs caveaux.
Il faut un nouveau maître au monde ;
À ce sépulcre, que je fonde,
Il faut des ossements nouveaux.

« Je promets ma poussière à ces voûtes funestes.
À cet insigne honneur ce temple a seul des droits ;
Car je veux que le ver qui rongera mes restes
Ait déjà dévoré des rois.
Et lorsque mes neveux, dans leur fortune altière,
Domineront l’Europe entière,
Du Kremlin à l’Escurial,
Ils viendront tour à tour dormir dans ces lieux sombres,
Afin que je sommeille, escorté de leurs ombres,
Dans mon linceul impérial ! »

Celui qui disait ces paroles
Croyait, soldat audacieux,
Voir, en magnifiques symboles,
Sa destinée écrite aux cieux.
Dans ses étreintes foudroyantes,
Son aigle aux serres flamboyantes
Eût étouffé l’aigle romain ;
La Victoire était sa compagne ;
Et le globe de Charlemagne
Était trop léger pour sa main.

Eh bien ! des potentats ce formidable maître
Dans l’espoir de sa mort par le ciel fut trompé.
De ses ambitions c’est la seule peut-être
Dont le but lui soit échappé.
En vain tout secondait sa marche meurtrière ;
En vain sa gloire incendiaire