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ODES ET BALLADES.


Songes vains ! Mais du moins ne crois pas que ma muse
Ait pour tes compagnons des chants qu’elle refuse,
Mon père ! le poëte est fidèle aux guerriers.
Des honneurs immortels il revêt la victoire ;
Il chante sur leur vie ; et l’amant de la gloire
Comme toutes les fleurs aime tous les lauriers.

II



Ô français ! des combats la palme vous décore ;
Courbés sous un tyran, vous étiez grands encore.
Ce chef prodigieux par vous s’est élevé ;
Son immortalité sur vos gloires se fonde,
Et rien n’effacera des annales du monde
Son nom, par vos glaives gravé.

Ajoutant une page à toutes les histoires,
Il attelait des rois au char de ses victoires ;
Dieu dans sa droite aveugle avait mis le trépas ;
L’univers haletait sous son poids formidable ;
Comme ce qu’un enfant a tracé sur le sable,
Les empires confus s’effaçaient sous ses pas.

Flatté par la fortune, il fut puni par elle.
L’imprudent confiait son destin vaste et frêle
À cet orgueil, toujours sur la terre expié.
Où donc, en sa folie, aspirait ta pensée,
Malheureux ! qui voulais, dans ta route insensée,
Tous les trônes pour marchepied ?

Son jour vint : on le vit, vers la France alarmée,
Fuir, traînant après lui comme un lambeau d’armée,
Chars, coursiers et soldats, pressés de toutes parts.
Tel, en son vol immense atteint du plomb funeste,