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ODES ET BALLADES.

Restes qu’on aime et qu’on vénère !
L’aigle à leurs tours suspend son aire,
L’hirondelle y cache son nid.

« Comme cet oiseau de passage,
Le poëte, dans tous les temps,
Chercha, de voyage en voyage,
Les ruines et le printemps.
Ces débris, chers à la patrie,
Lui parlent de chevalerie ;
La gloire habite leurs néants ;
Les héros peuplent ces décombres ; —
Si ce ne sont plus que des ombres,
Ce sont des ombres de géants !

« Ô français ! respectons ces restes !
Le ciel bénit les fils pieux
Qui gardent, dans leurs jours funestes,
L’héritage de leurs aïeux.
Comme une gloire dérobée,
Comptons chaque pierre tombée ;
Que le temps suspende sa loi ;
Rendons les Gaules à la France,
Les souvenirs à l’espérance,
Les vieux palais au jeune roi ! »

II



— Tais-toi, lyre ! Silence, ô lyre du poëte !
Ah ! laisse en paix tomber ces débris glorieux
Au gouffre où nul ami, dans sa douleur muette,
Ne les suivra longtemps des yeux !
Témoins que les vieux temps ont laissés dans notre âge,
Gardiens d’un passé qu’on outrage,
Ah ! fuyez ce siècle ennemi !