Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
LA BANDE NOIRE.

S’enfonce entre deux larges tours ;
J’aimais l’essaim d’oiseaux funèbres
Qui sur les toits, dans les ténèbres,
Vient grouper ses noirs bataillons,
Ou, levant des voix sépulcrales,
Tournoie en mobiles spirales
Autour des légers pavillons.

« J’aimais la tour, verte de lierre,
Qu’ébranle la cloche du soir ;
Les marches de la croix de pierre
Où le voyageur vient s’asseoir ;
L’église veillant sur les tombes,
Ainsi qu’on voit d’humbles colombes
Couver les fruits de leur amour ;
La citadelle crénelée,
Ouvrant ses bras sur la vallée,
Comme les ailes d’un vautour.

« J’aimais le beffroi des alarmes ;
La cour où sonnaient les clairons ;
La salle où, déposant leurs armes,
Se rassemblaient les hauts barons ;
Les vitraux éclatants ou sombres ;
Le caveau froid où, dans les ombres,
Sous des murs que le temps abat,
Les preux, sourds au vent qui murmure,
Dorment, couchés dans leur armure,
Comme la veille d’un combat.

« Aujourd’hui, parmi les cascades,
Sous le dôme des bois touffus,
Les piliers, les sveltes arcades,
Hélas ! penchent leurs fronts confus ;
Les forteresses écroulées,
Par la chèvre errante foulées,
Courbent leurs têtes de granit ;