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À MES ODES.

Vous étiez pareils aux étoiles
Qui ne brillent que pour la nuit ;

Quand, tour à tour, prenant et rendant la balance,
Quelques amis, le soir, vous jugeaient en silence,
Poëtes, par la lyre émus,
Qui fuyaient la ville sonore,
Et transplantaient les fleurs d’Isaure
Dans les jardins d’Académus.

Comme un ange porté sur ses ailes dorées,
Vous veniez, murmurant des paroles sacrées,
Pour abattre et pour relever,
Vous disiez, dans votre délire,
Tout ce que peut chanter la lyre,
Tout ce que l’âme peut rêver.

Disputant un prix noble en une sainte arène,
Vous laissiez tout l’Olympe aux fils de l’Hippocrène,
Rivaux de votre ardent essor ;
Ainsi que l’amant d’Atalante,
Pour rendre leur course plus lente,
Vous leur jetiez les pommes d’or.

On vous voyait, suivis de sylphe et de fées,
Liant d’anciens faisceaux à nos jeunes trophées,
Chanter les camps et leurs travaux,
Ou pousser des cris prophétiques,
Ou demander aux temps gothiques
Leurs vieux contes, toujours nouveaux.

Souvent vos luths pieux consolaient les couronnes,
Et du haut du trépied vous défendiez les trônes ;
Souvent, appuis de l’innocent,
Comme un tribut expiatoire,
Vous mêliez, pour fléchir l’histoire,
Une larme à des flots de sang.