Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
BUONAPARTE.


II



Naguère, de lois affranchis,
Quand la reine des nations
Descendit de la monarchie,
Prostituée aux factions,
On vit, dans ce chaos fétide,
Naître de l’hydre régicide
Un despote, empereur d’un camp.
Telle souvent la mer qui gronde
Dévore une plaine féconde
Et vomit un sombre volcan.

D’abord, troublant du Nil les hautes catacombes,
Il vint, chef populaire, y combattre en courant,
Comme pour insulter des tyrans dans leurs tombes,
Sous sa tente de conquérant. —
Il revint pour régner sur ses compagnons d’armes.
En vain l’auguste France en larmes
Se promettait des jours plus beaux ;
Quand des vieux pharaons il foulait la couronne,
Sourd à tant de néant, ce n’était qu’un grand trône
Qu’il rêvait sur leurs grands tombeaux.

Un sang royal teignit sa pourpre usurpatrice ;
Un guerrier fut frappé par ce guerrier sans foi ;
L’anarchie, à Vincenne, admira son complice,
Au Louvre elle adora son roi.
Il fallut presque un Dieu pour consacrer cet homme.
Le Prêtre-Monarque de Rome
Vint bénir son front menaçant ;
Car, sans doute en secret effrayé de lui-même,
Il voulait recevoir son sanglant diadème
Des mains d’où le pardon descend.