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Les choses sont les pores par où sort Dieu. L’univers le transpire. Toutes les profondeurs le font paraître à toutes les surfaces. Quiconque médite voit le créateur perler sur la création. La religion est la mystérieuse sueur de l’infini. La nature sécrète la notion de Dieu. Contempler est une révélation ; souffrir en est une autre. Dieu tombe goutte à goutte du ciel, et larme à larme de nos yeux. À quoi bon Tout, s’il n’était pas là comme fin ?

Fin, c’est-à-dire but.

On croit que fin signifie mort. Erreur. Fin signifie vie.

L’existence terrestre n’est autre chose que la lente croissance de l’être humain vers cet épanouissement de l’âme que nous appelons la mort. C’est dans le sépulcre que la fleur de la vie s’ouvre. La destinée est une résultante évidente de la nature. Maintenant comment cela se fait-il ? par quelle combinaison ? par quel va-et-vient, par quelle décomposition de forces, par quel mélange d’effluves, par quelle alchimie énorme ? Comment l’événement fuse-t-il à travers l’élément ? Comment l’harmonie universelle peut-elle avoir des contre-coups, et qu’est-ce que ce contre-coup, le sort ? Une providence est visible ; elle a pour manifestation l’équilibre, que le philosophe appelle d’un plus grand nom : Équité. Une fatalité aussi est visible ; elle a pour manifestation la nécessité. Équité et Nécessité ; ce sont les deux mystérieux visages de l’inconnu. Mais qu’est-ce que cette chose qu’on nomme le hasard ? Le hasard n’est ? point providence, car il semble rompre l’équilibre, il n’est point fatalité, car il n’est pas empreint de nécessité. Qu’est-il donc ? Est-il l’une et l’autre ? est-il le remous de l’une et de l’autre ? Nul ne pourrait le dire. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a qu’une loi. La nature n’est pas une chose et la destinée n’en est pas une autre. Il n’y a pas une loi extérieure et une loi intérieure. Le phénomène universel se réfracte d’un milieu dans l’autre ; de là les apparences diverses ; de là les différents systèmes de faits, tous concordants dans le relatif, tous identiques dans l’absolu. L’unité d’essence entraîne l’unité de substance, l’unité de substance entraîne l’unité de loi. Voici le vrai nom de l’Être : Tout Un. Le labyrinthe de l’immanence universelle a un réseau double, l’abstrait, le concret ; mais ce réseau double est en perpétuelle transfusion ; l’abstraction— se concrète, la réalité s’abstrait, le palpable devient invisible, l’invisible devient palpable, ce qu’on ne peut que penser naît de ce qu’on touche et de ce qu’on voit, ce qui végète se complique de ce qui arrive, l’incident s’enchevêtre au permanent ; il y a de la destinée dans l’arbre, il y a de la sève dans la passion ; il est probable que la lumière pense. Le monde est une