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LE MANUSCRIT

en débrouille les ténèbres. Son érudition laborieuse a jeté de vives lumières sur toutes les sommités de cette histoire. Sa critique consciencieuse et savante a rétabli les causes en combinant les résultats. Son style vigoureusement élevé a fixé les physionomies encore indécises des personnages et des époques. Il a remis, pour ainsi dire, et fait vivre sous nos yeux tous ces événements depuis si longtemps disparus du cours des siècles. Ajoutons à cela que son volume in-18 de 700 pages contient plus de choses et d’idées que les six volumes de Lévesque. M. Rabbe est un écrivain substantiel : il conte en penseur. Il a su rendre harmonieux d’ensemble et de coloris ce vaste tableau des développements d’une grande nation, encadré entre deux figures gigantesques, Gengis-Khan et Napoléon.

Il nom semble cependant (et nous faisons cette observation pour une seconde édition qui peut-être a déjà paru au moment ou nom écrivons cet article) que l’ouvrage de M. A. Rabbe gagnerait beaucoup à être publié en deux ou trois volumes. M. Rabbe pourrait donner un peu plus de détail à l’époque qui précède l’invasion des Tartares

Mais cette matière attend encore un véritable historien[1]

Nous l’indiquons au beau talent de M. Rabbe. Resserré dans des bornes étroites, il a su traiter avec plus de développements que Lévesque, et surtout avec plus de sincérité, certaines époques d’un grand intérêt comme le règne fameux de Catherine. Ceux qui ont lu le portrait de Tibère dans Tacite et la peinture de Messaline dans Suétone admireront de quel pinceau ferme et hardi M. Rabbe a su flétrir cette courtisane couronnée, à laquelle les altiers sophistes du dernier siècle avaient voué un culte qu’ils refusaient à leur Dieu et à leur roi, cette reine régicide, qui avait choisi pour ses tableaux de boudoir un massacre et un incendie.

Ce n’est pas la seule fois que M. Rabbe se trouve en contradiction avec les philosophes. Malgré tout un livre de Voltaire, il dit quelque part avec une conviction éloquente :

(Victor Hugo cite un important passage où l’historien attribue à la providence l’organisation sociale de la Russie.)

À ce style énergique et vivant, à ce langage consciencieux et élevé, on reconnaît l’homme supérieur. Cette empreinte brille sur presque toutes les pages du livre de M. Rabbe. Une foule de morceaux de ce genre rachètent les jugements un peu précipités, les opinions quelquefois hasardées que le critique pourrait redresser dans certains passages. Mais nom sommes assez convaincu que M. Rabbe se fera justice, pour que nom nom bornions à la lui rendre. En mûrissant quelques parties de son excellent livre, il achèvera de marquer profondément la ligne qui le sépare de la foule. Il ne voudra rien écrire qui ne soit digne de son haut rang littéraire ; et les esprits même les plus prévenus s’empresseront de le distinguer de cette tourbe d’historiens que nous voyons aujourd’hui toisant les empires a leur mesure de pygmées, et jugeant les siècles dan sdes écrits d’un jour.

Nous le répétons en terminant, cette histoire de Russie a vivement réveillé l’attention par…[2] de l’auteur, et par l’importance du sujet. Les destins futurs de la Russie…

Ici s’arrêtent les ratures ; la fin est semblable au texte publié page 24.

  1. Voir page 24.
  2. Quelques mots illisibles sous les ratures (Note de l’Éditeur.)