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II. Les Faits de la nuit. Quartier des Halles

Je revins à mon gîte, rue Richelieu, n° 19.

Le massacre semblait fini, on n’entendait plus de fusillades.

Comme j’allais frapper à la porte du n° 19, j’eus un moment d’hésitation ; un homme était là, qui semblait attendre. Je marchai droit à cet homme et je lui dis :

— Vous semblez attendre quelqu’un ?

Il répondit :

— Oui.

— Qui ?

— Vous.

Et il ajouta, en baissant la voix :

— Je viens pour vous parler.

Je regardai cet homme. Un réverbère l’éclairait, il n’en évitait pas la lumière.

C’était un jeune homme à barbe blonde, en blouse bleue, qui avait l’air doux d’un penseur et les mains robustes d’un ouvrier.

— Qui êtes-vous ? lui demandai-je.

Il répondit : – Je suis de l’association des formiers. Je vous connais bien, citoyen Victor Hugo.

— De quelle part venez-vous ? repris-je.

Il répondit, toujours à voix basse :

— De la part du citoyen King.

— C’est bien, lui dis-je.

Il me donna alors son nom. Comme il a survécu aux événements de cette nuit du 4 et qu’il a échappé depuis aux dénonciations, on comprendra que nous ne le nommions point ici, et que nous nous bornions à le désigner dans la suite de ce récit par sa profession et à l’appeler le formier [1].

— Qu’avez-vous à me dire ? lui demandai-je.

Il m’expliqua que rien n’était désespéré, que lui et ses amis entendaient continuer la résistance, que les lieux de rendez-vous des associations n’étaient pas encore déterminés, mais qu’ils le seraient dans la soirée, que ma

  1. On peut aujourd’hui, après vingt-six ans, nommer ce loyal et courageux homme. Il s’appelait Galoy (et non Galloix, comme l’ont imprimé, en racontant à leur façon les incidents qu’on va lire, certains historiographes du coup d’État).