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XV. La Question se pose

Il était une heure après-midi.

Bonaparte était redevenu sinistre.

Les éclaircies de ces visages-là durent peu.

Il était rentré dans son cabinet, s’était assis devant la cheminée, les deux pieds sur les chenets, immobile ; et personne ne l’approchait plus, que Roguet.

A quoi songeait-il ?

Les torsions de la vipère sont inattendues.

Ce qui a été fait par cet homme dans cette journée infâme, je l’ai dit en détail dans un autre livre. Par instants Roguet entrait, et l’informait. Bonaparte écoutait en silence, plein de pensées, marbre où bouillonnait une lave.

Il recevait à l’Elysée les mêmes nouvelles que nous rue Richelieu ; mauvaises pour lui, bonnes pour nous.

Dans un des bataillons qui venaient de voter, il y avait eu « cent soixante-dix non ». Ce bataillon a été depuis dissous, et émietté dans l’armée d’Afrique.

On comptait sur le 14e de ligne qui avait tiré sur le peuple en février. Le colonel du 14e de ligne n’avait pas voulu recommencer ; il venait de briser son épée.

Notre appel avait fini par être entendu. Décidément, on vient de le voir, Paris se levait. La chute de Bonaparte semblait s’ébaucher. Deux représentants, Fabvier et Crestin, s’abordaient rue Royale, et Crestin, montrant le palais de l’Assemblée, disait à Fabvier : Demain nous serons .

Détail à noter, Mazas devenait étrange ; la prison se détendait ; l’intérieur subissait on ne sait quel contrecoup de l’extérieur. Les employés, insolents la veille au passage des représentants allant à la promenade des préaux, les saluaient maintenant jusqu’à terre. Le matin même de ce jeudi 4, le directeur de la prison fit visite aux prisonniers et leur dit : Ce n’est pas ma faute. Il leur apporta des livres et du papier pour écrire, chose jusqu’alors refusée. Le représentant Valentin était au secret ; le 4 au matin, son gardien fut brusquement aimable, et lui offrit de lui faire avoir des nouvelles du dehors par sa femme à lui gardien, laquelle, disait-il, avait été servante chez le général Le Flô. Symptômes expressifs. Quand le geôlier sourit, c’est que la geôle s’entr’ouvre.