Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/46

Cette page n’a pas encore été corrigée

leur chef, A. Desmoulins, de la forte race des hommes lettrés et combattants, était très découragé la veille ; à présent il espérait.

La veille il écrivait : « … Où sont les représentants ? Les communications sont coupées. On ne traverse plus les quais ni les boulevards. Il est devenu impossible de réunir l’Assemblée populaire. Le peuple manque de direction. De Flotte d’un côté, Victor Hugo d’un autre, Schœlcher ailleurs, poussent activement au combat, et vingt fois exposent leur vie ; mais nul ne les sent appuyés par un corps organisé ; et puis la tentative des royalistes du Xe arrondissement effraie ; on craint de les voir réapparaître à la fin. » Maintenant cet homme, si intelligent et si brave, reprenait confiance, et il écrivait : « Décidément, Louis-Napoléon a peur. Les rapports de police sont alarmants pour lui. La résistance des représentants républicains porte ses fruits. Paris s’arme. Certains corps semblent prêts à tourner. La gendarmerie mobile elle-même n’est pas sûre, et, ce matin, un bataillon tout entier a refusé de marcher. Le désordre se met dans les services. Deux batteries ont longtemps tiré l’une sur l’autre sans se reconnaître. On dirait que le coup d’État va manquer. »

Les symptômes, on le voit, s’amélioraient.

Maupas devenait-il insuffisant ? Avait-on recours à un plus habile ? Un fait semblait l’indiquer. La veille au soir, un homme de haute taille avait été vu, entre cinq et sept heures, se promenant devant le café de la place Saint-Michel ; il avait été rejoint par deux des commissaires de police qui avaient fait les arrestations du 2, et leur avait parlé longtemps. Cet homme était Carlier. Allait-il suppléer Maupas ?

Le représentant Labrousse, attablé au café, avait vu ce conciliabule.

Chacun des deux commissaires était suivi de cette espèce d’agent qu’on appelle le chien du commissaire.

En même temps, des avertissements étranges parvenaient au comité ; il nous était donné connaissance du billet que voici :

3 décembre.

« Mon cher Bocage,

»Aujourd’hui, à 6 heures, 25,000 francs ont été promis à celui qui arrêterait ou tuerait Hugo.

» Vous savez où il est. Que sous aucun prétexte il ne sorte.

» A vous,

»ALEX. DUMAS. »

Au dos : Bocage, 18, rue Cassette [1].

  1. L’original de ce billet est entre les mains de l’auteur de ce livre. Il nous a été remis par M. Avenel de la part de M. Bocage.