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III. Le Dedans de l’Élysée

Dans la matinée, le docteur Yvan rencontra le docteur Conneau. Ils se connaissaient. Ils causèrent. Yvan était de la gauche. Conneau était de l’Elysée. Yvan sut par Conneau, sur ce qui s’était passé dans la nuit à l’Elysée, des détails qu’il nous transmit.

Un des détails est celui-ci :

Un décret inexorable avait été rendu et il allait être affiché. Ce décret enjoignait à tous la soumission au coup d’État. Saint-Arnaud qui, comme ministre de la guerre, devait signer le décret, l’avait rédigé. Arrivé au dernier paragraphe ainsi conçu : – Quiconque sera surpris construisant une barricade, placardant une affiche des ex-représentants, ou la lisant, sera… – Ici Saint-Arnaud s’était arrêté ; Morny avait haussé les épaules, lui avait arraché la plume des mains, et avait écrit : fusillé.

D’autres choses avaient été décidées, mais on ne les connaissait pas.

Divers renseignements vinrent s’ajouter à ceux-là.

Un garde national nommé Boillay de Dôle avait été de garde du 3 au 4 à l’Elysée. Les croisées du cabinet de Louis Bonaparte, qui était au rez-de-chaussée, avaient été toute la nuit éclairées. Dans le salon d’à côté, il y avait conseil de guerre. De la guérite où il était de faction, Boillay voyait se dessiner sur les vitres des profils noirs et des ombres gesticulantes qui étaient Magnan, Saint-Arnaud, Persigny, Fleury, les spectres du crime.

Korte, le général des cuirassiers, avait été mandé, ainsi que Carrelet, lequel commandait la division qui travailla le plus le lendemain 4. De minuit à trois heures du matin, des généraux et des colonels « n’avaient fait qu’aller et venir ». Il était même venu de simples capitaines. Vers quatre heures, quelques voitures étaient arrivées « avec des femmes ». L’orgie ne fut jamais absente de ce forfait. Le boudoir dans les palais donnait la réplique au lupanar dans les casernes.

La cour était pleine de lanciers qui tenaient en main les chevaux des généraux délibérant.

Deux des femmes qui vinrent là cette nuit-là appartiennent dans une certaine mesure à l’histoire. Il y a de ces silhouettes sur les seconds plans. Ces femmes influèrent sur de malheureux généraux. Toutes deux du meilleur monde. L’une était la marquise de ***, laquelle avait eu cette aventure de devenir amoureuse de son mari après l’avoir trompé. Elle reconnut que l’