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X.

Oublions cet homme et regardons l’humanité.

L’envahissement de la France en 1870 par l’Allemagne a été un effet de nuit. Le monde s’est étonné que tant d’ombre pût sortir d’un peuple. Cinq mois noirs, voilà le siège de Paris. Faire la nuit, cela peut prouver de la puissance ; mais la gloire, c’est de faire le jour. La France fait le jour. De là son immense popularité humaine. La civilisation lui doit l’aurore. L’esprit humain pour voir clair se tourne du côté de la France. Cinq mois de ténèbres, voilà ce qu’en 1870 l’Allemagne a réussi à donner aux nations ; la France leur a donné quatre siècles de lumière.

Aujourd’hui le monde civilisé sent plus que jamais le besoin qu’il a de la France. La France a fait sa preuve par son péril. L’apathie ingrate des gouvernements n’a fait qu’accroître l’anxiété des nations. A la vue de Paris menacé, il y eut parmi les peuples une terreur de décapitation. Va-t-on laisser faire l’Allemagne ? Mais la France s’est sauvée toute seule. Elle n’a eu qu’à se lever. Patuit dea.

Aujourd’hui elle est plus grande que jamais. Ce qui eût tué toute autre nation l’a blessée à peine. L’assombrissement de son horizon a rendu plus visible sa lumière. Ce qu’elle a perdu en territoire, elle l’a regagné en rayonnement. Aussi est-elle fraternelle sans effort. Au-dessus de son malheur il y a son sourire. Ce n’est pas sur elle que pèse l’empire gothique. Elle est une nation de citoyens, et non un troupeau de sujets. Les frontières ? Y aura-t-il des frontières dans vingt ans ? Les victoires ? La France a dans le passé les victoires de la guerre et dans l’avenir les victoires de la paix. L’avenir est à Voltaire, et non à Krupp. L’avenir est au livre, et non au glaive. L’avenir est à la vie, et non à la mort. Il y a dans la politique opposée à la France une certaine quantité de sépulcre ; chercher la vie dans les vieilles institutions est chose vaine, et se nourrir du passé c’est mordre dans la cendre. La France a la faculté éclairante ; aucune catastrophe, politique ou militaire, ne lui ôtera cette suprématie mystérieuse. Le nuage passé, on revoit l’étoile.

L’étoile n’a pas de colère ; l’aurore n’a pas de rancune. La lumière se satisfait en étant la lumière. La lumière, c’est tout ; le genre humain n’a pas d’autre amour. La France se sait aimée, parce qu’elle est bonne ; et la plus grande de toutes les puissances, c’est d’être aimée. La Révolution française est pour tout le monde. C’est une bataille perpétuellement livrée pour le juste et perpétuellement gagnée pour le vrai. Le juste, c’est le fond de l’