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XI. Le Combat finit, l’épreuve commence

Je ne savais plus où aller.

Dans l’après-midi du 7, je me déterminai à rentrer encore une fois au n° 19 de la rue Richelieu. Sous la porte cochère quelqu’un me saisit le bras. C’était Mme D. Elle m’attendait.

— N’entrez pas, me dit-elle.

— Je suis découvert ?

— Oui.

— Et pris ?

— Non.

Elle ajouta :

— Venez.

Nous traversâmes la cour, et nous sortîmes par une porte d’allée sur la rue Fontaine-Molière ; nous gagnâmes la place du Palais-Royal. Les fiacres y stationnaient comme à l’ordinaire. Nous montâmes dans le premier venu.

— Où allons-nous ? demanda le cocher.

Elle me regarda.

Je répondis :

— Je ne sais pas.

— Je le sais, moi, dit-elle.

Les femmes savent toujours où est la Providence.

Une heure après j’étais en sûreté.

A partir du 4, chacun des jours qui s’écoulèrent fut l’affermissement du coup d’État. Notre défaite fut complète et nous nous sentîmes abandonnés. Paris fut comme une forêt où Louis Bonaparte fit la battue des représentants ; la bête fauve traqua les chasseurs. Nous entendions le vague aboiement de Maupas derrière nous. On dut se disperser. La poursuite fut opiniâtre. Nous entrâmes dans la seconde phase du devoir, la catastrophe acceptée et subie. Les vaincus devinrent les proscrits. Chacun eut son dénoûment personnel. Le mien fut ce qu’il devait être, l’exil, la mort m’ayant manqué. Je n’ai pas à le raconter ici, ce livre n’est pas mon histoire, et je ne dois rien détourner pour moi-même de l’attention qu’il peut exciter. D’ailleurs, on peut lire ce qui m’est personnel dans un récit qui est un des testaments de l’exil [1].

  1. Les Hommes de l’exil, par Charles Hugo.