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fois aux noms propres et même à de certaines indications de lieux des désignations aussi peu transparentes que possible, en présence des proscriptions pendantes. Il ne veut pas fournir une liste supplémentaire à M. Bonaparte.

Certes, pas plus dans ce récit du 2 décembre que dans le livre qu’il publie en ce moment, l’auteur n’est « impartial » comme on a l’habitude de dire quand on veut louer un historien. L’impartialité, étrange vertu que Tacite n’a pas. Malheur à qui resterait impartial devant les plaies saignantes de la liberté ! En présence du fait de décembre 1851, l’auteur sent toute la nature humaine se soulever en lui, il ne s’en cache point, et l’on doit s’en apercevoir en le lisant. Mais chez lui la passion pour la vente égale la passion pour le droit. L’homme indigné ne ment pas. Cette histoire du 2 décembre donc, il le déclare au moment d’en citer quelques pages, aura été écrite, on vient de voir comment, dans les conditions de la réalité la plus absolue.

Nous jugeons utile d’en détacher dès à présent et d’en publier ici même un chapitre[1] qui, nous le pensons, frappera les esprits, en ce qu’il jette un jour nouveau sur le « succès » de M. Bonaparte. Grâce aux réticences des historiographes officiels du 2 décembre, on ne sait pas assez combien le coup d’État a été près de sa perte et on ignore tout à fait par quel moyen il s’est sauvé. Mettons ce fait spécial sous les yeux du lecteur.

JOURNÉE DU 4 DÉCEMBRE.

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LE COUP D’ÉTAT AUX ABOIS


i.

« La résistance avait pris des proportions inattendues.

« Le combat était devenu menaçant ; ce n’était plus un combat, c’était une bataille, et qui s’engageait de toutes parts. A l’Élysée et dans les ministères les gens pâlissaient ; on avait voulu des barricades, on en avait.

« Tout le centre de Paris se couvrait de redoutes improvisées ; les quartiers barricadés formaient une sorte d’immense trapèze compris entre les Halles et la rue Rambuteau d’une part et les boulevards de l’autre, et limité à l’est par la rue du Temple et à l’ouest par la rue Montmartre. Ce vaste réseau de rues, coupé en tous sens de redoutes et de retranchements, prenait d’heure en heure un aspect plus terrible et devenait une sorte de forteresse. Les combattants des barricades poussaient leurs grand’gardes jusque sur les quais. En dehors du trapèze que nous venons d’indiquer, les barri-

  1. L’auteur a voulu réserver uniquement au livre Napoléon-le-Petit ce chapitre, qui en fait partie intégrante. Il a donc récrit, pour l’Histoire d’un Crime, le récit de la Journée du 4 Décembre, avec de nouveaux faits, et à un autre point de vue.