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l’archevêque, et, un moment après, l’archevêque entra. Outre l’abbé Maret, il avait avec lui l’abbé Deguerry, curé de la Madeleine.

Madame Arnaud remit à M. Sibour les deux lettres de son mari et de l’ouvrier. L’archevêque les lut, et resta pensif.

— Quelle réponse dois-je porter à mon mari ? demanda Madame Arnaud.

— Madame, dit l’archevêque, il est trop tard. Il fallait faire cela avant la lutte commencée. Maintenant, ce serait s’exposer à faire couler peut-être encore plus de sang qu’il n’en a été versé.

L’abbé Deguerry garda le silence. L’abbé Maret essaya respectueusement de tourner l’esprit de son évêque vers le grand effort conseillé par l’ouvrier. Il dit quelques paroles éloquentes. Il insista sur ceci que l’apparition de l’archevêque pourrait déterminer une manifestation de la garde nationale et qu’une manifestation de la garde nationale ferait reculer l’Élysée.

— Non, dit l’archevêque, vous espérez l’impossible. L’Élysée à présent ne reculera plus. On croit que j’arrêterais le sang, point, je le ferais répandre, et à flots. La garde nationale n’a plus de prestige. Si les légions paraissent, l’Elysée fera écraser les légions par les régiments. Et puis, qu’est-ce qu’un archevêque devant l’homme du coup d’État ? Où est le serment ? Où est la foi jurée ? Où est le respect du droit ? On ne rebrousse pas chemin quand on a fait trois pas dans un tel crime. Non ! non ! n’espérez pas ! Cet homme fera tout. Il a frappé la loi dans la main des représentants ; il frapperait Dieu dans la mienne.

Et il congédia Madame Arnaud avec le regard d’un homme accablé.

Faisons le devoir de l’historien. Six semaines après, dans l’église Notre-Dame, quelqu’un chantait le Te Deum en l’honneur de la trahison de Décembre, mettant ainsi Dieu de moitié dans un crime.

C’était l’archevêque Sibour.