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testation et, comprenant le besoin de remplir la ligne laissée en blanc dans leur arrêt, nommèrent sur la proposition de M. Quénaut, procureur général M. Renouard, leur collègue à la cour de cassation. M. Renouard, immédiatement averti, accepta.

Ils se réunirent une dernière fois le lendemain 3, à onze heures du matin, une heure avant l’heure indiquée dans l’arrêt qu’on a lu plus haut, encore dans la bibliothèque de la cour de cassation, M. Renouard présent. Acte lui fut donné de son acceptation et de ce qu’il déclarait requérir l’information. L’arrêt rendu fut porté par M. Quénaut au grand greffe et transcrit immédiatement sur le registre des délibérations intérieures de la cour de cassation, la Haute Cour n’ayant point de registre spécial et ayant, dès l’origine, décidé qu’elle se servirait du registre de la cour de cassation. À la suite de l’arrêt, on transcrivit deux pièces désignées ainsi sur le registre : 1° Procès-verbal constatant l’intervention de la police pendant le délibéré de l’arrêt précédent ; 2° Donné acte de l’acceptation de M. Renouard pour les fonctions de procureur général. En outre, sept copies de ces diverses pièces, faites de la main des juges eux-mêmes et signées d’eux tous, furent mises en lieu sûr, ainsi qu’un calepin sur lequel avaient été transcrites, dit-on, cinq autres décisions secrètes relatives au coup d’État.

Cette page du registre de la cour de cassation existe-t-elle encore à l’heure qu’il est ? Est-il vrai, comme on l’a affirmé, que le préfet Maupas se soit fait apporter le registre et ait déchiré la feuille où était l’arrêt ? Nous n’avons pu éclaircir ce point ; le registre maintenant n’est communiqué à personne, et les employés du grand greffe sont muets.

Tels sont les faits. Résumons-les.

Si cette cour appelée haute eût été de tempérament à concevoir une telle idée que celle de faire son devoir, une fois réunie, se constituer était l’affaire de quelques minutes ; elle eût procédé résolûment et rapidement, elle eût nommé procureur général quelque homme énergique tenant à la cour de cassation, du parquet, comme Freslon, ou du barreau, comme Martin (de Strasbourg). En vertu de l’article 68 et sans attendre les actes de l’Assemblée, elle eût rendu un arrêt qualifiant le crime, lancé contre le président et ses complices un décret de prise de corps, et ordonné le dépôt de la personne de Louis Bonaparte dans une maison de force. De son côté le procureur général eût lancé un mandat d’arrêt. Tout cela pouvait être terminé à onze heures et demie, et à ce moment aucune tentative n’avait encore été faite pour disperser la Haute Cour. Ces premiers actes accomplis, la Haute Cour pouvait, en sortant par une porte condamnée qui communique avec la salle des Pas-Perdus, descendre dans la rue et y proclamer, à la face du peuple, son arrêt. Elle n’eût, à cette heure, rencontré aucun obstacle.