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xi.
LA HAUTE COUR

Pendant que ceci se passait sur la rive gauche, vers midi, on remarquait dans la grande salle des Pas-Perdus du palais de justice un homme qui allait et venait. Cet homme, soigneusement boutonné dans son paletot, semblait accompagné à distance de plusieurs souteneurs possibles ; de certaines aventures de police ont des auxiliaires dont la figure à double sens inquiète les passants, si bien qu’on se demande : Sont-ce des magistrats ? sont-ce des voleurs ? L’homme au paletot boutonné errait de porte en porte, de couloir en couloir, échangeant des signes d’intelligence avec les espèces d’estafiers qui le suivaient, puis revenait dans la grand’salle, arrêtait au passage les avocats, les avoués, les huissiers, les commis-greffiers, les garçons de salle, et répétait à tous à voix basse, de façon à ne pas être entendu des passants, la même question ; à cette question les uns répondaient : oui ; non, disaient les autres. Et l’homme se remettait à rôder dans le palais de justice avec la mine d’un limier en quête.

C’était le commissaire de police de l’Arsenal.

Que cherchait-il ?

La Haute Cour.

Que faisait la Haute Cour ?

Elle se cachait.

Pourquoi faire ? Pour juger ?

Oui et non.

Le commissaire de police de l’Arsenal avait reçu le matin du préfet Maupas l’ordre de chercher partout où elle serait la Haute Cour de justice, si par aventure elle croyait devoir se réunir. Confondant la Haute Cour avec le conseil d’État, le commissaire de police était allé d’abord au quai d’Orsay. N’y ayant rien trouvé, pas même le conseil d’État, il était revenu à vide et s’était dirigé à tout hasard vers le palais de justice, pensant que puisqu’il avait à chercher la justice, il la trouverait peut-être là.

Ne la trouvant pas, il s’en alla.

La Haute Cour s’était pourtant réunie.

Où et comment ? on va le voir :

À l’époque dont nous écrivons en ce moment l’histoire, avant les reconstructions actuelles des vieux édifices de Paris, quand on abordait le palais de justice par la cour de Harlay, un escalier peu majestueux vous condui-