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ix.
UNE FIN PIRE QUE LA MORT.

Nous voudrions laisser là, pour n’en plus reparler jamais, cet homme qui avait porté trois ans ce titre auguste : Président de l’Assemblée nationale de France, et qui n’avait su être que le domestique de la majorité. Il trouva moyen à sa dernière heure de descendre encore plus bas qu’on ne l’aurait cru possible, même à lui. Sa carrière à l’Assemblée avait été d’un valet, sa fin fut d’un laquais.

L’attitude inouïe que M. Dupin eut devant les gendarmes, en grimaçant son semblant de protestation, autorisa même des soupçons. Gambon s’écria : – Il résiste comme un complice. Il savait tout.

Nous croyons ces soupçons injustes. M. Dupin ne savait rien. Qui donc, parmi les machinateurs du coup d’État, eût pris la peine de s’assurer son adhésion ? Corrompre M. Dupin ! était-ce possible ? Et puis, à quoi bon ? Le payer ? Pourquoi ? c’est de l’argent perdu quand la peur suffit. Il y a des connivences toutes faites d’avance. La couardise est la vieille complaisante de la félonie. Le sang de la loi versé est vite essuyé. Derrière l’assassin qui tient le poignard arrive le trembleur qui tient l’éponge.

Dupin s’enfuit dans son cabinet. On l’y suivit.

— Mon Dieu, s’écria-t-il, on ne comprend donc pas que je veux rester en paix !

On le torturait en effet depuis le matin pour extraire de lui une impossible parcelle de courage.

— Vous me maltraitez plus que les gendarmes, disait-il. Les représentants s’installèrent dans son cabinet, s’assirent à sa table pendant qu’il gémissait et bougonnait sur un fauteuil, et rédigèrent un procès-verbal de ce qui venait de se passer, voulant laisser dans les archives trace officielle de l’attentat.

Le procès-verbal terminé, le représentant Canet en donna lecture au président et lui présenta une plume.

— Que voulez-vous que je fasse de ça ? dit-il.

— Vous êtes le président, répondit Canet. C’est notre dernière séance. Votre devoir est d’en signer le procès-verbal.

Cet homme refusa.