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Durieu résista à la violence par la force ; il fallut trois hommes pour le détacher de son banc. Monet fut renversé sur la banquette des commissaires. Ils saisirent d’Adelswœrd à la gorge, et le jetèrent hors de sa stalle. Richardet, infirme, fut culbuté et brutalisé. Quelques-uns furent touchés par la pointe des bayonnettes ; presque tous eurent leurs vêtements déchirés.

Le commandant criait aux soldats : Faites le râteau !

Ce fut ainsi que soixante représentants du peuple furent pris au collet par le coup d’État et chassés de leurs sièges. La voie de fait compléta la trahison. L’acte matériel fut digne de l’acte moral.

Les trois derniers qui sortirent furent Fayolle, Teilhard-Latérisse et Paulin Durieu.

On leur laissa passer la grande porte du palais, et ils se trouvèrent place de Bourgogne.

La place de Bourgogne était occupée par le 42e de ligne sous les ordres du colonel Degardarens.

Entre le palais et la statue de la République qui occupait le centre de la place, une pièce de canon était braquée sur l’Assemblée, en face de la grande porte.

À côté de la pièce, des chasseurs de Vincennes chargeaient leurs armes et déchiraient des cartouches.

Le colonel Degardarens était à cheval près d’un groupe de soldats qui attira l’attention des représentants Teilhard-Latérisse, Fayolle et Paulin Durieu.

Au milieu de ce groupe se débattaient énergiquement trois hommes arrêtés criant : Vive la Constitution ! Vive la République !

Fayolle, Paulin Durieu et Teilhard-Latérisse s’approchèrent et reconnurent dans les trois prisonniers trois membres de la majorité, les représentants Toupet des Vignes, Radoult de Lafosse et Arbey.

Le représentant Arbey réclamait vivement. Comme il élevait la voix, le colonel Degardarens lui coupa la parole en ces termes qui méritent d’être conservés :

— Taisez-vous ! un mot de plus, je vous fait crosser !

Les trois représentants de la gauche, indignés, sommèrent le colonel de relâcher leurs collègues.

— Colonel, dit Fayolle, vous violez trois fois la loi.

— Je vais la violer six fois, répondit le colonel ; et il fit arrêter Fayolle, Paulin Durieu et Teilhard-Latérisse.

Les soldats reçurent l’ordre de les conduire au poste du palais en construction pour le ministère des affaires étrangères.

Chemin faisant, les six prisonniers, marchant entre deux files de bayon-