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duisons cette note de l’Indépendance belge en date du 26 août 1852 :

Un journal de l’opposition a raconté dernièrement que M. Novent, professeur à l’Athénée de Gand, avait lu dans sa classe la plus grande partie du livre de M. V. Hugo, Napoleon-le-Petit, qu’il en avait fait le plus pompeux éloge ; qu’il avait engagé tous ses élèves à en faire l’acquisition, etc.

Nous nous sommes empressés, aussitôt cette révélation, d’annoncer qu’une enquête venait d’être ouverte par l’autorité compétente, et nous exprimions l’avis que, dans le cas où l’enquête produirait réellement des charges contre le professeur, le gouvernement ne manquerait pas de sévir.

L’enquête a eu lieu ; elle a prouvé que si, d’une part, il y avait un fait exact dans l’assertion de la feuille cléricale, de l’autre elle y avait ajouté des détails complètement erronés. Voici la vérité, M. Novent est dans l’habitude de faire, pendant sa dernière classe de l’année scolaire, une lecture amusante à ses élèves. Par une irréflexion que nous ne nous expliquons pas et que nous ne prétendons pas excuser, il a fait choix, cette année, de certains passages du livre de M. V. Hugo.

Certes nous reconnaissons que ce n’est pas à un pareil ouvrage que M. Novent eût dû donner la préférence, mais il est faux qu’il en ait lu la plus grande partie, ainsi que l’a prétendu la feuille cléricale, qui, la première, a révélé le fait. Il est faux qu’il ait engagé ses élèves à en faire l’acquisition, etc. Le gouvernement n’a pas moins trouvé, avec raison, que la conduite de M. Novent était hautement blâmable, et, comme nous ne le mettions pas en doute, il a pris les mesures que cette conduite rendait nécessaires.

On lit en effet dans le Moniteur de ce jour :

« Par arrêté ministériel du 25 août 1852, le sieur Novent, professeur de troisième latine à l’Athénée royal de Gand, est suspendu de ses fonctions. »

On remarquera que le ministère belge de cette époque était un ministère libéral. Nous avons, à défaut de l’opinion de la presse française, l’impression de Michelet.

Vers l’automne de 1852 ; Paul Meurice, enfin sorti de la Conciergerie et alors en voyage, écrit à Mme Victor Hugo. Voici le récit de son entrevue avec Michelet :

À Nantes j’ai trouvé mon frère qui avait lu à Paris Napoleon-le-Petit. J’ai reçu une lettre de Dumesnil, le gendre de Michelet, qui avait lu Napoléon-le-Petit dans le département de la Seine-Inférieure. Enfin j’ai vu Michelet qui avait lu Napoléon-le-Petit à Nantes. Si la police ouvre cette lettre, qu’elle grogne. Michelet est dans l’enthousiasme. Après le livre de Proudhon, après les visites de Mme Sand à l’Élysée, après le silence des réfugiés de Londres, il a été profondément consolé, touché et ravi de cette sublime revendication du droit, de ce grand cri de la conscience humaine. Ç’a été son premier jour de soleil depuis décembre. Je me sers de ses expressions. Il nous a dit en tenant le livre : Tenez, voilà comme je l’ai lu. Et il le baisait à chaque page. Je lui ai laissé un des petits paquets de Robert[1], et je lui ai dit que c’était le Maître qui le lui envoyait. Il en fera bon usage Là-bas.

Si la critique fut muette en 1852, elle fut aussi réservée, mais pour d’autres raisons, lorsque le volume fut réédité en France chez Hetzel, le 2 décembre 1870 ; on était en pleine guerre avec l’Allemagne : Paris était complètement investi depuis le 19 septembre ; les journaux étaient remplis par le récit des événements.

Nous ne pouvons guère citer qu’un article de M. Biéville dans le Siècle.

Le Siècle (18 décembre 1870).

E.-D. de Biéville.

Dès le début de l’ouvrage, le lecteur se sent, bon gré mal gré, constitué, dans son for intérieur, juge du crime de Décembre.

Ce début est grandiose. C’est le tableau de la mémorable séance de l’Assemblée constituante, où le général Cavaignac descendit loyalement du pouvoir, comme il y était monté, et où le Président de l’Assemblée appela à la Présidence de la République le citoyen Charles-Louis-Napoléon Bonaparte, à qui le gouvernement avait généreusement rouvert la

  1. Sans doute un paquet de l’édition petit texte de Napoléon-le-Petit.