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l’un défait ce que l’autre a fait. En 1849, un Bonaparte, Louis-Napoléon, fait rentrer dans Rome la papauté qu’un Bonaparte, Canino, en a chassée.

Aujourd’hui, après avoir réduit la royauté de droit divin à un tel état de néant que, dès à présent, on peut entrevoir dans l’avenir un cardinal de Bourbon destiné à servir de pendant historique au cardinal d’York, après avoir, chacune pour sa part et dans la mesure de son action spéciale, fait le travail de nivellement révolutionnaire qui doit précéder la reconstruction sociale, les deux maisons, les d’Orléans et les Bonaparte, la famille princière séculaire et la famille princière parvenue, se rencontrent face à face sur ce terrain où il n’y a plus qu’elles, — et le peuple —, et il semble qu’il soit dans les desseins de la Providence de les détruire l’une par l’autre.

(Dire cette lutte. Loyauté d’un côté, grandeur d’âme, clémence. Infamie de l’autre.)


Victor Hugo avait eu le projet d’étudier le fonctionnement du suffrage universel ainsi qu’en témoignent les notes sommaires reproduites ici et le passage entièrement rédigé sur le caractère des paysans :

SUFFRAGE UNIVERSEL.
LES QUESTIONS.

Suffrage universel.

Le défendre — le maintenir, l’expliquer, le justifier — parcourir les objections — la ruine.

Nation — peuple. — Deux mots qu’il faut identifier de plus en plus.

Nuance pourtant. Nation éveille l’idée extérieure. Peuple n’éveille que l’idée intérieure. Le populaire est domestique, le national regarde l’étranger.

En y réfléchissant, on s’aperçoit que le mot peuple éveille l’idée de travail. Jusqu’au jour désirable et inévitable où nous travaillerons chacun du travail qui lui convient, où il n’y aura plus d’oisifs en haut et de fainéants en bas, on pourra définir le peuple la nation travaillante.

Le peuple se décompose en deux grands éléments qui constituent sa masse, les travailleurs des villes et les travailleurs des campagnes, l’ouvrier et le paysan. Nous ne tenons pas compte du soldat qui pourtant a joué un rôle si grave dans les derniers temps, du soldat qui pourrait être et qui a été si glorieux, et qui vient d’être si funeste. Après tout, le soldat, espèce d’oisif travaillant, ouvrier de la guerre, inutile pendant la paix, est un élément facile à décomposer et qui se transformera.

Il faut sonder résolument les plaies de la situation du peuple. Disons tout. À l’heure qu’il est, le péril de la France, de la République, de la démocratie, de la civilisation, le péril du suffrage universel, c’est le paysan. Pourquoi ? On va le comprendre. Le paysan (peindre ce qu’il fait).

Il ne sait qu’un nom. Napoléon, et il n’a qu’une idée, posséder. Le nom est grand, l’idée est bonne. Mais sous ce nom, le seul qu’il sache et qu’il jette toujours fatalement dans l’urne, sous ce nom de Napoléon, il n’y a plus de Napoléon. Le