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v
CONCESSION.

Et c’est là le scrutin, — répétons-le, insistons-y, ne nous lassons pas ; je crie cent fois les mêmes choses, dit Isaïe, pour qu’on les entende une fois ; — c’est là le scrutin, c’est là le plébiscite, c’est là le vote, c’est là le décret souverain du « suffrage universel », à l’ombre duquel s’abritent, dont se font un titre d’autorité et un diplôme de gouvernement ces hommes qui tiennent la France aujourd’hui, qui commandent, qui dominent, qui administrent, qui jugent, qui règnent, les mains dans l’or jusqu’aux coudes, les pieds dans le sang jusqu’aux genoux !

Maintenant, et pour en finir, faisons une concession à M. Bonaparte. Plus de chicanes. Son scrutin du 20 décembre a été libre, il a été éclairé ; tous les journaux ont imprimé ce qui leur a plu ; qui a dit le contraire ? des calomniateurs ; on a ouvert les réunions électorales, les murs ont disparu sous les affiches ; les passants de Paris ont balayé du pied, sur les boulevards et dans les rues, une neige de bulletins blancs, bleus, jaunes, rouges ; a parlé qui a voulu, a écrit qui a voulu ; le chiffre est sincère ; ce n’est pas Baroche qui a compté, c’est Barême ; Louis Blanc, Guinard, Félix Pyat, Raspail, Caussidière, Thoré, Ledru-Rollin, Etienne Arago, Albert, Barbès, Blanqui et Gent ont été scrutateurs ; ce sont eux-mêmes qui ont proclamé les sept millions cinq cent mille voix. Soit. Nous accordons tout cela. Après ? Qu’est-ce que le coup d’État en conclut ?

Ce qu’il en conclut ? il se frotte les mains, il n’en demande pas davantage, cela lui suffit, il conclut que c’est bien, que tout est clos, que tout est fini, qu’on n’a plus rien à lui dire, qu’il est « absous ».

Halte-là !

Le vote libre, le chiffre sincère, ce n’est que le côté matériel de la question ; il reste le côté moral. Il y a donc un côté moral ? Mais oui, prince, et c’est là précisément le vrai côté, le grand côté de cette question du 2 décembre. Examinons-le.