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Troane, 9 juillet 1836.

Mon Adèle, je veux t’écrire tout de suite un mot par la poste qui va partir. Il y a une longue lettre que j’avais commencée et que je n’aurais pas le temps d’achever. Tu l’auras la prochaine fois, c’est la suite du compte rendu de mon voyage.

J’ai eu tes deux bonnes lettres et celles des chers petits. Mon Adèle, je ne veux pas que tu sois triste, entends-tu ? Je ne puis être heureux si tu n’es heureuse. Si ces voyages t’attristent, je n’en ferai plus. Après tout comme avant tout, tu es mon Adèle toujours bien-aimée.

Didine, Toto et Dédé m’ont écrit de bien gentilles lettres, mais j’attends celle de mon Charlot. Écris-moi désormais à Gisors. J’y ferai revenir tes lettres qui pourraient arriver à Caen, comme j’ai fait pour Cherbourg.

J’ai vu avec bien de la joie que notre cher petit va mieux. Il faut qu’il soit bien courageux comme un homme, et qu’il se soigne et qu’il se laisse soigner. Je l’aimerai bien. Dis-lui cela. — Entends-tu, mon Toto ?

Je suis charmé aussi que la tête de ton père ait été gaie. J’espère que l’année prochaine, j’en serai. Je songe beaucoup à lui au milieu des belles choses que je vois, car je sais qu’il en jouirait comme moi.

Dis à ma Didine et à Dédé que j’ai pensé aujourd’hui à elles dans la chapelle de Notre-Dame-de-la-Délivrande. Il y avait de pauvres femmes de marins qui priaient à genoux pour leurs maris risqués sur la mer. J’ai prié aussi moi, à la vérité sans m’agenouiller et sans joindre les mains, avec l’orgueil bête de notre temps, mais du plus profond du cœur j’ai prié pour mes pauvres chers enfants embarqués vers l’avenir que nul de nous ne connaît. — Il y a des moments où la prière me vient. Je la laisse venir et j’en remercie Dieu.

On m’avertit que la boîte va se fermer. Je n’ai que le temps de t’embrasser et tout ce qui t’entoure, et cela aussi du plus profond du cœur.

V.

Du 15 au 18 je serai à Paris.