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de 1851. Le carillon de Malines l’enchante ; il lui témoigne sa reconnaissance par une poésie : Écrit sur la vitre d’une fenêtre flamande, qui paraîtra dans les Rayons et les Ombres.

C’est dans le trajet d’Anvers à Bruxelles qu’il a fait la connaissance du chemin de fer et qu’il a imaginé la locomotive aux formes fantastiques dont on a reproduit tant de fois la description. Son admiration pour Anvers se traduit dans ses lettres à sa femme et à Louis Boulanger ; à Gand, il fait cette curieuse reflexion :

Gand est encore tout plein de Charles-Quint. Ce don Carlos était fort libertin dans sa jeunesse, n’en déplaise aux contradicteurs d’Hernani.

Le 3 septembre, à Étaples, près de Boulogne, il envoie à Léopoldine une pensée sauvage dans une lettre très tendre :

… Et puis, mon ange, j’ai tracé ton nom sur le sable : Dédé. La vague de la haute mer l’effacera cette nuit, mais ce que rien n’effacera, c’est l’amour que ton père a pour toi[1].

Il revient le 13 septembre.

Le volume d’Alpes et Pyrénées, tel qu’il a été publié en 1890, renferme : 1° le voyage aux Alpes en 1839, qui est la continuation du voyage du Rhin à travers la Suisse ; 2° le voyage aux Pyrénées en 1843.

Entre Alpes (1839) et Pyrénées (1843) nous avons, dans cette édition, introduit le voyage dans le Midi de la France et dans la Bourgogne, du 3 au 25 octobre, et qui termine les divers voyages de 1839.

Peu de lettres pour cette partie, ce sont surtout des notes d’album.

Le 3 octobre, Victor Hugo écrit de Marseille à Léopoldine :

Vois-tu, chère fille, on s’en va parce qu’on a besoin de distraction et l’on revient parce qu’on a besoin de bonheur.

Il ne dit pas que la distraction est un stimulant du travail, qui pour lui n’est jamais interrompu, car s’il a les éléments de volumes de voyages, il rapporte aussi des documents qu’il utilisera plus tard pour d’autres œuvres. N’avait-il pas pris en 1829 des notes destinées à un grand roman sur la misère ? Dix ans après, vers 1839, il a l’occasion de visiter le bagne à Toulon, et tous les renseignements qu’il recueille sur les pénalités prononcées contre les forçats pour rébellion, tentative de meurtre sur un camarade, vol, évasion, tentative d’évasion lui serviront pour son Jean Valjean ; comparant le bagne de Brest, visité en 1834, au bagne de Toulon, il prend des notes pour « traiter la grande question : isolement cellulaire ou travail en plein air ». (Voir page 241.) Nous avons retrouvé dans ses papiers inédits un projet de discours ou une étude qu’il se réservait de publier sur cette « grande question ». De même il visite un vaisseau de ligne, en fait une description détaillée qu’il introduira dans un chapitre des Misérables : le Vaisseau « l’Orion ».

De Cannes, 8 octobre, il écrit à tous ses enfants et envoie à chacun d’eux un dessin ; le 22 octobre, étant à Troyes, il va voir le lieu où a été exécuté Claude Gueux et revient à Paris le 25 octobre.

Le voyage aux Pyrénées doit surtout retenir notre attention à cause des circonstances tragiques dans lesquelles il s’acheva.

Voici en quels termes Victor Hugo annonçait, le 13 juin 1843, son voyage à Léopoldine, mariée récemment à Charles Vacquerie et qui habitait le Havre :

Je t’écris, mon enfant chérie, avec des yeux bien malades. Je travaille, il le faut, et

  1. Correspondance.