de les rédiger et de les développer ultérieurement.
Il n’en a pas eu le loisir. À
sa mort, il laissa donc des lettres, des
notes plus ou moins longues et des indications
sommaires, soit dans ses carnets,
soit sur des feuilles volantes,
chargeant ses exécuteurs testamentaires
du soin de les mettre en ordre pour la
publication. Tous les voyages n’étaient
pas contenus dans les deux volumes qui
ont paru. Il y avait encore de nombreuses
pages inédites. Mais Paul-Meurice, seul
exécuteur testamentaire survivant, avait
pensé avec raison qu’elles ne fournissaient
pas matière à un troisième volume. Aussi
trouvent-elles tout naturellement leur
place dans cette édition.
Victor Hugo n’était pas, de sa nature, un grand voyageur. À part le voyage à Chamonix, nous ne trouvons dans ses papiers aucune trace d’excursion entre 1825 et 1834, et il semble qu’il n’ait quitté Paris que pour s’installer quelques semaines, pendant l’été, à la campagne.
Son premier voyage date de 1834 ;
sans doute il veut chercher une diversion
à ses travaux, à ses luttes récentes :
deux drames en 1833 (et tout drame de
Victor Hugo était le prétexte d’une bataille),
un volume en préparation : Littérature et Philosophie mêlées. Son cerveau,
quoique puissamment organisé, exigeait
une détente ; la politique ne le passionnait
guère à cette époque, il voyagera
donc. Il visitera consciencieusement les
villes, s’attardera dans les monuments
et les musées, fera une halte pour explorer
quelque ruine ou quelque château.
Il a le goût des petites étapes.
Les moyens de locomotion en usage à
cette époque lui offrent toute la lenteur
à laquelle il aspire ; il éprouve la plus
grande indulgence pour la diligence ; il
choisit la place d’où il peut le mieux
voir la campagne, sans aucun souci du
confortable. Il est fort mal assis, pressé
contre ses voisins, expose aux intempéries,
mais il voit les levers et les couchers
du soleil, les plaines embrumées,
les montagnes et les vallons ; il a beau,
après des journées entières de voiture ou
de marche, être brisé, harassé de fatigue,
il n’en racontera pas moins ses
impressions à sa femme ; le corps peut
être las, le cerveau travaille à son tour.
Dans son voyage de 1834, en Bretagne,
qui devait durer une vingtaine
de jours, ce sont des effusions de tendresse
pour sa Léopoldine :
19 août.
J’ai vu la mer, j’ai vu Je belles églises, j’ai vu de jolies campagnes. La mer est grande, les églises sont belles, les campagnes sont jolies ; mais les campagnes sont moins jolies que toi, les églises sont moins belles que ta maman, la mer est moins grande que mon amour pour vous…
À bientôt, ma Didine, garde toujours
cette lettre. Quand tu seras grande, je serai
vieux, tu me la montreras ; et nous nous
aimerons bien ; quand tu seras vieille, je n’y
serai plus, tu la montreras à tes enfants, et ils
t’aimeront comme je t’aime[1].
Le voyage de 1835, en Normandie,
dura à peine un mois ; mais pendant ce
mois, c’est la mer qui lui inspire ses
deux plus belles lettres ; en 1836 il retarde
son retour pour pouvoir assister à la fin
de la tempête qu’il a entendue, de sa
chambre d’auberge, la nuit précédente ;
cette tempête lui a, en quelque sorte,
dicté les vers qu’on a lus dans les Voix intérieures :
Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir ;
puis Oceano nox. qui sera introduit
dans les Rayons et les Ombres.
Le voyage de 1837 est consacré à la Belgique et dure un mois environ : Bruxelles éblouit Victor Hugo et, dans Bruxelles, Sainte-Gudule surtout et la place de l’hôtel de ville, qu’il devait habiter plus tard, après le coup d’État
- ↑ Correspondance.