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Mais ce qui pousse à feuilleter ce carnet avec respect, presque avec religion, c’est une page datée du 12 septembre, jour où Victor Hugo apprit brusquement la catastrophe de Villequier ; le père restait poëte et, dans son accablement, dans son désespoir, sa pensée se manifeste dans la forme qui lui est naturelle, familière, on pourrait presque dire involontaire, il écrit ces vers :


12 septembre.
 
Je suis, lorsque je pense, un poëte, un esprit,
Mais, sitôt que je souffre, hélas ! je suis un homme.




N’ayant pu la sauver, il a voulu mourir.




Quand tu la contemplais, cette Seine si belle,
Rien ne te disait donc : ce sera ton tombeau ?




Henri, roi d’Angleterre,
Sur une « blanche nef » mit sa famille entière.
Et la nef s’abîma devant le roi Henri
Qui depuis ce jour-là n’a plus jamais souri.



 
Nous aimons nos enfants bien plus qu’ils ne nous aiment.


Pour établir la troisième partie de ce volume : Voyages et Excursions, nous n’avons pas feuilleté moins de quinze albums et carnets de voyage, de 1840 à 1871.


1840. — Album vert foncé, cartonné. Nous avons extrait de cet album, et groupé dans ce volume, plusieurs chapitres sur la Forêt Noire. — À part ces chapitres inédits, on y trouve beaucoup de notes et quelques passages utilisés dans le Rhin, une poésie publiée dans Toute la Lyre[1], quelques vers publiés dans Dernière Gerbe[2] et ces deux vers qui ont trouvé place dans les Burgraves :

Descends le long du Rhin, du lac jusqu’aux Sept-Monts,
Et compte les châteaux détruits sur les deux rives[3].

Quelques considérations historiques sur la comparaison de la guerre sous les Romains et sous Napoléon seront publiées ultérieurement sous le titre : Tas de pierres.

Les pensées, trop nombreuses pour être reproduites ici, feront l’objet d’un chapitre spécial dans le prochain volume de philosophie. Détachons seulement cette pensée ou ce vers qui a directement trait à ce volume :

Quel est le voyageur qui n’orne pas un peu ?

  1. La France, ô mes enfants, reine aux tours fleuronnées…
  2. Le jeune chevrier rit dans les monts antiques…
  3. Les Burgraves, acte I.