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Aujourd’hui, en 1871, je reviens vieux dans cette ville qui m’a vu jeune, et au lieu du carrosse du sacre du roi de France, j’y vois la guérite blanche et noire d’un soldat prussien.


Nous avons été voir l’église. C’est toujours la merveille qui m’a ravi il y a cinquante ans. Cependant une restauration froide lui ôte un peu de ce mystère que le temps lui avait donné. Je ne sais quel archevêque idiot a fait remplacer par une grille le mur de l’archevêché où était adossée une charmante construction de la Renaissance, tout près de la façade de la cathédrale. C’était un bijou près d’un colosse. Rien de plus charmant que le contraste. Il a disparu. C’est un des effets de la restauration peu intelligente à laquelle la cathédrale est en proie. Dans l’intérieur, tapisseries magnifiques du 15e et du 16e siècles. Les vitraux sont ce que je les ai vus, splendides.

J’écris ceci le 25 au matin, avec le soleil levant et la cathédrale devant les yeux. Ma chambre (no 36) donne sur la place. Les corbeaux et les hirondelles volent à leurs nids, les corbeaux dans les tours, les hirondelles sous les portails. J’écoute les cloches. Elles sont deux qui dialoguent, une grosse et une petite. La grosse dit : Oh ! que je t’aime ! la petite répond : Oh ! que non.

L’auberge du Lion d’or a pour compensation la cathédrale. On y dîne mal, mais on y est ébloui. Mauvais gîte, mais belle façade.