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13 septembre. — Nous sommes allés à Schegen. J’ai dessiné la vieille tour qui est vraiment très rare et très belle. Elle est du treizième siècle et à demi couverte de lierre.


18 septembre. — Lettre de Berne. Il paraît que les journaux de Paris me disent très malade. Paris-Journal donne des détails. C’est d’une pleurésie que je serais en train de mourir.


24 septembre. — Nous partons à 6 heures du matin pour Reims par le chemin des Ardennes. Nous avons traversé le champ de bataille de Sedan. Le chef de train nous l’a expliqué. La plaine est couverte de petites éminences couvertes de touffes de chanvre qu’on y a semé. Ce sont des tombes. Dans une petite île de la Meuse, il y a quinze cents chevaux enterrés. La place est marquée par l’épaisseur de l’herbe. Tout ce pays est sombre et a un air indigné.

À l’horizon on voit sur une hauteur dans un bois le château où était logé Guillaume, et sur une colline plus basse, dans un autre bois, le château où Bonaparte est venu signer la capitulation. On distingue des faîtes aigus. Ce château, nous dit le chef du train, se compose de quatre tourelles reliées par des ponts. Je vois en effet les toits pointus des quatre pavillons. Les deux châteaux appartiennent aux deux frères. Ces deux autres frères, Guillaume et Bonaparte, y ont signé une paix qui sera la guerre.

Un peu plus loin, au bord d’une route près de Donchery, nous avons aperçu la maison, une auberge, où Bonaparte a rendu son épée. C’est du moins ce que nous a dit le chef du train. Je crois qu’il se trompe. C’est à cette auberge que Bonaparte a rencontré Bismark et c’est dans le château qu’il a rendu son épée.

Arrivée à Reims à 3 heures.

C’est la quatrième fois que je vois Reims. La première fois, en 1825, je venais d’être nommé, en même temps que Lamartine, le 16 avril 1825, membre de la Légion d’honneur. J’avais été invité au sacre de Charles X par lettre close du roi. J’étais avec Charles Nodier. Cailleux et Alaux le romain nous accompagnaient. Nous logions chez Salomé, directeur du théâtre et ami de Taylor. Nous campions.

La seconde fois, en 1838, je venais de terminer Ruy Blas, le 11 août, je voyageais pour me reposer. Le 28 j’étais à Reims. Je visitais les combles de la cathédrale. J’ai entendu de là le canon braqué sur la place annoncer la naissance du comte de Paris.

La troisième fois, en 1840, je n’ai fait que traverser en poste la place de la cathédrale.