Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/566

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nennig à Dalheim voir l’emplacement d’un camp romain. On y a élevé un pilier carré surmonté d’un aigle avec cette inscription :

rome à campé sur ce plateau

Dans le village, un rocher mêlé de restes de maçonnerie romaine est curieux.


9 septembre. — Nous sommes allés à Rodemach. Rodemach est célèbre parce qu’en 1814 une garnison de 75 hommes détachée de Thionville et mise dans Rodemach par mon père a tenu tête à 45 000 allemands. À l’heure qu’il est Rodemach est démantelé. Ce vieux bourg a encore un grand aspect. Un reste d’enceinte du treizième siècle avec porte de ville entre deux tours rondes, un reste de haute muraille qui a été la citadelle des 75 hommes de mon père ; tout cela est saisissant. Dans l’intérieur il y a quelques vieilles maisons, une entre autres avec un joli porche de la Renaissance. Je retournerai à Rodemach.

J’ai dessiné la porte entre deux tours.


12 septembre. — Ce soir, comme je revenais du bain, la nuit tombait, j’étais arrivé à un lieu assez sauvage où il y a un entrecroisement de routes au pied d’une haute colline de roche. J’avais remarqué là une cabane d’aspect farouche, quatre murs, une porte, une fenêtre, la paille pour toit, le rocher pour plancher. En passant devant cette cabane, j’ai entendu des cris désespérés. J’ai regardé dans le crépuscule. C’était un petit garçon de quatre à cinq ans, en haillons, qui pleurait, criait, et frappait des poings et des pieds la porte de la cabane. J’y suis allé. J’ai soulevé le loquet, la porte était fermée. J’ai dit à l’enfant : Viens à moi. Alors il s’est sauvé dans le rocher derrière la masure comme un chat sauvage. Je l’ai fait revenir en lui tendant une pièce de monnaie. J’ai encore essayé d’ouvrir la porte. Inutile. J’ai frappé. Il n’y avait personne dans la maison. L’enfant s’est remis à crier et à frapper la porte. Il avait peur de moi, parlait allemand, et ne voulait pas me suivre. Je suis allé jusqu’aux premières maisons d’Altwies qui est tout proche. Mais là, personne ne me comprenait. On ne parle qu’allemand. Enfin j’ai déterminé deux jeunes filles à me suivre jusqu’à la masure. On entendait toujours les cris de l’enfant de la nuit. Il semblait et se croyait abandonné ; les jeunes filles lui ont parlé. Elles lui ont pris chacune une main, et il s’est laissé emmener. Je l’ai suivi. Elles l’ont fait entrer dans une maison, et une vieille femme qui était sur le seuil m’a dit en français que le père et la mère étaient là. Mais pourquoi avoir laissé dans cette solitude le pauvre petit.