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dehors, quelques inscriptions. Il y a sur la porte d’entrée des trous de mitraille du maréchal de Boufflers qui mit une batterie sur la haute colline en face. Roth regarde deux vallées où coule l’Our. C’est très beau. M. André m’a conté la très curieuse noce du dernier comte de Falkenstein, devenu paysan.


7 août. — J’ai profité d’un rayon de soleil pour dessiner un aspect assez détaillé de la ruine de Vianden[1].


10 août. — Excursion sur la montagne. Retour au haut plateau d’où l’on voit Falkenstein. J’ai fait une ébauche de ce grand paysage. De là, nous sommes allés sur le plateau voisin d’où l’on voit Vianden. Nous sommes allés à pied jusqu’au bord de l’escarpement. Vue splendide. Rien de plus grand. Cette immense ruine dans cet immense entassement, ce donjon dans ce tas de collines, c’est mélancolique et sauvage. Un pas de plus et l’on voit la ville au fond de la vallée, et la rivière. C’est plus pittoresque et moins sublime. Il n’y a plus la solitude. L’homme apparaît. Il semble que Dieu, qui emplissait tout, diminue.


13 août. — J’ai dessiné sur mon livre de voyage la grande toile d’araignée[2] à travers laquelle on aperçoit la ruine de Vianden comme un spectre.


16 août. — Ce matin procession de Saint-Roch contre le choléra. Bannières. Cloches. Chants. Saint promené. J’ai un peu scandalisé les gens en demandant si on l’avait laissé entrer dans l’église avec son chien.

Promenade à Wallendorf. Au départ beau temps. Au retour tempête. Presque une trombe. Nous étions au grand galop sur la montagne. Il paraît qu’il y avait du danger. Éclairs aveuglants. J’ai pris mon caban, je me suis mis sur le siège dehors, et je les ai mis tous les trois dans la voiture bien fermée en leur décochant ce quatrain :

Puisque sur nous l’orage plane,
J’entends rester seul sur mon banc ;
Je me fourre dans mon caban,
Fourrez-vous dans votre cabane.

Ces dames ont ri. Faire rire, c’est rassurer. L’averse était si formidable qu’il a fallu s’arrêter. Nous nous sommes remisés dans une ferme. Nous sommes rentrés à 8 heures du soir.

  1. Voir page 571.
  2. Ce dessin se trouve à la Maison de Victor Hugo.