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plomb, de bismuth et d’argent. À la rigueur après un grand orage on pourrait voir étinceler sous les pieds des chevaux des dodécaèdres de sulfure de cuivre, des stalactites de cuivre gris et des cristaux de phosphate de plomb vert.

Verrerie de Schwazenberg. On y parle encore de Schinderhannes.

Pêcheries. — Pêcheurs à la ligne dans le torrent.

Précipices profonds. Rochers vert-de-grisés par le lichen.

Sapins écorcés roulés par la Murg, qui seront assemblés en radeaux à Mannheim et iront faire des mâts de navire à Rotterdam et à Dordrecht. La Murg les jette au Rhin qui les emporte à l’océan.

Haut sommet d’où les détours de la Murg dessinent dans la vallée une tête de taureau avec les cornes.

Âpres chemins creux qui servent l’été aux chariots à bœufs et l’hiver aux torrents. — La végétation copie l’homme. Le chou coiffé de son immense chapeau caresse la betterave en jupon vert sombre et à bas rouges.

Vers midi les nuages s’enlèvent en laissant à nu sur les montagnes les sapins poudrés de neige. À chaque instant admirables torrents de toutes les couleurs, vert-bouteille, bleu-saphir, cristal-fumé, topaze-brûlée.

Manie des kiosques. Où la vallée est le plus admirable, on est sûr de trouver un affreux petit belvédère à colonnades, niché dans les arbres sur de magnifiques rochers qui n’en peuvent mais. Cela est partout en Suisse comme en Allemagne. Si j’étais M. de Bade, je ferais écrire en grosses lettres sur la vieille muraille granitique de la Murg : Défense de déposer des rotondes et des temples grecs le long de cette vallée.


VI


25 octobre.

Rastadt, ville des congrès. On y fabrique, dit l’annuaire commercial, de jolis ouvrages en papier mâché. Épigramme du hasard qui les fait souvent bonnes. Mélancolique palais de la margrave sybille. Le gracieux devenu grave, le joli devenu lugubre, le coquet devenu sépulcral. On s’attend à rencontrer sous ces bosquets en ruine des spectres de poupées.

Jardin, grands marronniers. Je me suis promené dans ces allées dont le tracé se dérobait.

Statues tristes au-dessus d’une treille, brutalisées par des vignerons ; elles, ces Pomones et ces Dianes, qui, il y a cent ans à peine, étaient courtisées par des seigneurs. Charmant fronton rococo exhaussé sur perron de la cha-