Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/491

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En bas de la montagne le printemps ; en haut (1 700 pieds), l’hiver. De vastes plaines blanches. Le toit blanc des chaumières entrevu dans la brume. Des balises bordent la route. Sous la neige une terre noire. Çà et là des flaque d’eau qui ont l’air de mares d’encre.


V


— de freudenstadt à gernebach. —


12 septembre. — Maur.

Au cœur de la Forêt-Noire, il y a une ville. Au centre de cette ville il y a une immense place carrée bordée sur ses quatre côtés de vieilles maisons basses et larges, presque uniformes, surmontées de vastes pignons aigus et des arcades déjetées ou par des piliers décrépits. Au milieu de cette place il y a une ravissante fontaine du quinzième siècle. Cette place, entourée de sa quadruple galerie d’arcacdes et de piliers, rappelle, avec je ne sais quoi d’étrange, d’antique et de grand, la place Royale de Paris et la place ducale de Charlevilie. Les rues de la ville sont larges, les maisons n’ont qu’un étage sous le pignon, les baies des portes offrent toutes les coupe depuis l’architrave à consoles du treizième siècle jusqu’à l’anse de panier du quinzième. Devant chaque maison s’élève une grosse pile de bois. La ville est sur un grand plateau nu, défendu et rendu presque inabordable par d’âpres escarpements et de profondes vallées, blanchi par la neige des le mois d’octobre, et bordé de toutes parts par les crêtes noires des sapins. Presque aucun voyageur ne passe par là.

Cette Tombouctou de la Forêt-Noire s’appelle Freudenstadt.


Orage. Des tourbillons de feuilles grises s’envolent des arbres furieusement secoués par le vent comme des essaims d’oiseaux effrayés. — Rouliers. — Chapeaux coniques qui ont la forme du long moyen de leur voiture.

Murg. — Rochers ; — blocs ; — écume. Figurez-vous un immense mur cyclopéen écroulé à travers lequel coule une eau furieuse.

Prodigieux sapins (80, 100 pieds). Les rochers moisis et moussus descendent pêle-mêle de la montagne à travers la forêt comme un troupeau d’énormes crapauds verts. De temps en temps un gros rocher debout et arrondi au sommet se dresse comme un pouce de titan avec un doigtier de mousse.

On a répété autrefois que la Forêt-Noire des mines de cuivre, de