Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mule s’arrêta court, je la sentais trembler sous moi de tous ses membres. Mais il fallait avancer. And’usted me cria Escumuturra. Je pousse la mule, elle s’appuie sur ses jarrets de derrière, s’élance, les pierres roulent sous ses pieds dans le précipice ; elle passe d’un bond.



cuisine.

On ne sait quelle viande on mange. C’est rouge, mince et dur. — Est-ce du bœuf, du cochon, du mouton, du chien, du cheval, du chameau, de l’ours ? — C’est du veau.


Pamplona. — Qu’est-ce que cela ? m’écriai-je avec horreur. On me répondit avec calme : de la langosta. Je me rappelai alors que la marée vient à mulet.

Une chose à l’huile. On mâche. Les dents s’enchevêtrent dans des cheveux. Perruque à la barigoule.

Des herbes à goût pharmaceutique apprêtées à l’huile rance en guise de haricots verts à l’anglaise.

Pas de sucre. Une sorte de cassonnade jaune mêlée de fourmis et de mouches.

La servante, jambes nues, chasse les mouches avec un bâton orné d’un plumeau pendant que vous dînez.

Pas de beurre. Ni de lait. Ni de café possible. Et cela dans les meilleures auberges.

Partout le safran, le piment, la canelle et le poivre. Toujours du porc sous toutes les formes.



habitants.

Beaucoup de jolies filles, pas de jolies femmes. — Femme aragonaise. Visage basané. Coiffe-fichu d’une blancheur éclatante. Veste d’homme en velours vert-bronze à manches serrées. Jupe noire en drap, mille plis autour de la taille. Bas bleus à reliefs.


Quand on entre ici dans une cabane et qu’on voit cet intérieur indigent et nu, si l’on jette un coup d’œil sur le pays, sur cette nature admirable qui donne tout, qui prodigue tout, blé, maïs, vignes, pommiers, chênes, ormes, pins, montagnes, fleuves, torrents, golfes, mines d’or, d’argent, de plomb, de fer, carrières de grès, de chaux, de plâtre, de granit, de marbre,