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notes sur l’espagne.


— albums. —


Le passeport. Vous exécutez toujours à la fois en Espagne deux voyages, celui que vous faites et celui que fait votre passeport. Or, quel terrible voyageur qu’un passeport en Espagne ! Il ne peut rester un moment tranquille. À chaque instant il s’envole de votre poche, se déplie et disparaît. Courez après.

Il est à la gefetara ?


puis à la politica ?


puis en casa del alcade !


puis al alynntamietito.


puis à la refendidacion.


Et chaque fois une media-peseta. Vous avez déjà payé pour l’Espagne 1 franc à Paris, 5 francs à Bayonne pour le consul, 2 francs à Irun pour entrer. Maintenant vous payez dix sous au gendarme chaque fois qu’il bouge, et il faut faire viser le passeport dans chaque ville pour chaque porte de la ville. Si vous changez d’avis et de porte, nouveau voyage du passeport. Dix sous. — On paye dix sous à tout propos en Espagne. Hier j’ai été arrêté par un sergent de ville-Odry et traîné à travers la ville chez l’alcade. Reconnu innocent, le sergent de ville m’a demandé, pour la peine qu’il avait prise et l’honneur qu’il m’avait fait, dix sous.


Pauvre et noble Espagne ! Tout à l’heure un gredin en chienlit me suivait dans la rue, criant après moi : Caballero ! señor caballero ! Je me retourne, j’avise le pauvre diable, je fouille dans ma poche et je lui tends un sou. Il prend le sou et me demande mon passeport. Je l’avais pris pour un mendiant ; c’était un fonctionnaire public, l’état fait homme.

Et puis c’était aussi un mendiant. Car il a pris le sou. Il me demandait mon passeport, mais il ne refusait pas l’aumône.



Prêtre espagnol qui s’obstine à me parler français. Affreux baragouin. À un certain moment, il m’entretenait de grammaire et de linguistique et je n’y comprenais pas un mot. J’entendais revenir à chaque instant cette phrase peu claire : les tigres morts au logis. Je me creusais le cerveau. Au bout