Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/401

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semées de clous et de fleurs de lys, et le marteau de fer, composé de dragons qui se mordent, est d’une belle forme byzantine.

L’intérieur de l’église m’a ravi. Il est gothique avec de magnifiques vitraux.

Je vous parlais tout à l’heure d’une entrée d’hôtel qui est un joli petit poëme. La cathédrale de Pampelune est un poëme aussi, mais un poëme grand et beau, et, puisque j’ai été amené à cette assimilation qui naît si naturellement entre les choses de l’architecture et les choses de la poésie, permettez-moi d’ajouter que ce poëme est en quatre chants, que j’intitulerais : le maître-autel, le chœur, le cloître, la sacristie.

Au moment où j’entrais dans la cathédrale, il était un peu plus de cinq heures du matin. On venait de l’ouvrir ; elle était encore déserte et obscure. Les premiers rayons du soleil levant traversaient horizontalement les vitraux de la haute nef et jetaient d’une ogive à l’autre de grandes poutres d’or qui se découpaient nettement sur le fond sombre et resplendissaient dans la ténébreuse église. Un vieux prêtre tout courbé disait la première messe devant le maître-autel.

Le maître-autel, à peine éclairé par quelques cierges allumés, à demi entouré d’une muraille flottante de tapisseries et de tentures qui se rattachaient aux piliers de l’abside et interceptaient le jour, semblait, dans cette brume qui l’enveloppait, un monceau de pierreries. À l’entour se dressaient toutes sortes de meubles étincelants qu’on ne voit que dans les églises espagnoles, crédences, cabinets, bahuts, buffets en gaine à petits tiroirs. Au fond, derrière des touffes de lys, au-dessus du maître-autel, au milieu d’une espèce de gloire qui n’était peut-être que du bois doré, mais à laquelle l’heure et le lieu donnaient une majesté étrange, entre les parois éclatantes d’une armoire d’or ouverte à deux battants, rayonnait une madone en robe d’argent, la couronne impériale en tête et l’enfant Jésus dans les bras. J’entrevoyais cela à travers une merveilleuse grille de fer du temps de Jeanne la Folle, ouvragée par les ciseleurs magiciens du quinzième siècle, toute chargée de fleurs, d’arabesques et de figurines. Cette grille, haute de plus de vingt pieds et à laquelle on monte par un degré de quelques marches, ferme le sanctuaire du seul côté où le regard puisse y pénétrer.

Rien de plus saisissant, à cette heure sacrée et sublime du matin, que cet homme en cheveux blancs, seul au milieu de cette grande église, vêtu d’habits splendides, parlant à voix basse, feuilletant un livre et faisant une chose mystérieuse dans ce lieu magnifique, obscur, silencieux et voilé. Cette messe se disait pour Dieu, pour l’immensité, et pour une vieille femme qui l’écoutait, blottie derrière un pilier à quelques pas de moi.

Tout cela était grand. Cette vieille église, ce vieux prêtre et cette vieille