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Une heure après, nous débouchions entre deux promontoires énormes, qui sont les dernières tours qu’ait la montagne de ce côté, sur la plaine de Pampelune.

Environs de Pampelune.
Environs de Pampelune.
Environs de Pampelune.



Pampelune est une ville qui tient plus qu’elle ne promet. De loin on hoche la tête, aucun profil monumental n’apparaît ; lorsqu’on est dans la ville l’impression change. Dans les rues, on est intéressé à chaque pas ; sur les remparts, on est charmé.

La situation est admirable. La nature a fait une plaine ronde comme un cirque et l’a entourée de montagnes ; au centre de cette plaine, l’homme a fait une ville. C’est Pampelune.

Ville vasconne selon les uns avec le nom antique de Pompelon, ville romaine selon les autres avec Pompée pour fondateur, Pampelune est aujourd’hui la cité navarraise dont la maison d’Évreux a fait une ville gothique, dont la maison d’Autriche a fait une ville castillane, et dont le soleil fait presque une ville d’orient.

Tout à l’entour, les montagnes sont chauves, la plaine est desséchée. Une jolie rivière, l’Arga, y nourrit quelques peupliers. Les molles ondulations qui vont de la plaine aux montagnes sont couvertes de fabriques du Poussin. Ce n’est pas seulement une grande plaine, c’est un grand paysage.

Vue de près, la ville a le même caractère. Les rues à maisons noires égayées de peintures, de balcons, de rideaux flottants, sont tout ensemble riantes et sévères.

Une magnifique tour carrée en briques sèches, de la ligne la plus simple et la plus fière, domine la promenade plantée d’arbres. C’est le treizième siècle modifié par le goût arabe, comme il l’est en Allemagne et en Lombardie par le goût byzantin. Un portail dans le style de Philippe IV meuble richement la partie inférieure de cette tour qui sans lui serait peut-être un peu nue. Ce portail, qui n’a rien de criard ni d’excessif, est ajouté là avec bonheur. Cela est presque rococo, et c’est encore de la renaissance.

Au reste, le rococo espagnol est un rococo arriéré comme tout ce que produit l’Espagne ; il emprunte au seizième siècle et conserve dans le dix-septième et jusque dans le dix-huitième la petitesse des colonnes et la brisure compliquée des frontons, cette grande grâce du style de Henri II. Ces formes de la renaissance, mêlées aux chicorées et aux rocailles, donnent