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Étampes, 22 août.

Merci, mon Adèle, de ta bonne petite lettre du 19. Elle m’a fait plus de plaisir que je ne puis te dire. Un verre d’eau à un altéré. Il me tarde d’avoir toutes les autres, mais je crains que ce bonheur ne soit pour Paris, avec la joie de t’embrasser. Je dis je crains, parce qu’il serait encore possible que mon arrivée fût retardée de trente-six heures. Je suis à Étampes, j’y ai trouvé une espèce d’antiquaire, ancien officier de la garde, ami de Paul Lacroix, nommé M. Grandmaison, à qui appartient ce fameux donjon d’Étampes que tu connais, et qui veut me montrer toutes les ruines des alentours. Elles sont assez nombreuses et fort belles. Nous devons aller voir demain le Temple, ancien monastère écroulé sur la montagne. Il y a ici de belles églises romanes. Une (Saint-Martin) a une tour penchée comme Pise. Il serait possible que j’allasse de là à Fontainebleau voir le château, s’il se présente une bonne occasion ; mais les vacances rendent les voitures chères et rares. — Écris-moi toujours à Melun.

J’ai passé hier une admirable journée à Pithiviers et aux environs. Yèvres-le-Châtel, qui est à deux lieues et où je suis allé à pied avec mes souliers percés, contient à lui seul un couvent et un château, ruinés, mais complets. C’est magnifique. Je dessine tout ce que je vois. Tu en jugeras.

Mon Adèle, ma pauvre amie, si tu savais quelle joie j’aurais de t’avoir près de moi dans ces moments-là. Oh ! certes, nous ferons un voyage ensemble.

Embrasse pour moi Martine, ma bonne Martine, et nos quatre charmants joujoux. Si vous saviez comme je vous aime tous !

Cette lettre est probablement la dernière que je t’écrirai. Je la suivrai de près. Je t’embrasse et je t’aime.

Ton V.

Ici une lettre pour Poupée. Toto va-t-il bien ? Se plaît-il là-bas ?


Marines (près Gisors), 26 août, 9 heures du soir.

Je suis triste, mon Adèle, mais je ne suis pas fâché. Je t’ai écrit avant-hier 24, de Montlhéry. La lettre a dû t’arriver le même jour ; je te priais de