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1er septembre, 9 heures du matin.

Je me dépêche d’achever ma lettre. C’est aujourd’hui que je rentre en France, je serai à Dunkerque, j’aurai tes lettres. Ce sera une vive joie, car j’espère que vous êtes tous bien portants et heureux.

C’est aussi aujourd’hui que je verrai ce qui adviendra du petit volume contrefait que j’emporte traîtreusement dans mon portefeuille. Je t’informerai de l’aventure.

Je t’ai peu parlé de la contrefaçon, parce que c’est ennuyeux, mais ce n’en est pas moins déplorable. Seulement en regardant aux vitres des boutiques, j’ai compté cinq contrefaçons différentes des Voix intérieures : une en grand in-8°, sur deux colonnes, deux in-18, l’une publiée par Méline, l’autre par la société dite pour la propagation des bons livres, deux in-32, dont l’édition de Laurent que j’emporte. Au demeurant, Bruxelles est bien la ville de la contrefaçon. Il y a des gamins comme à Paris ; le fronton grec de sa chambre des états ressemble au fronton grec de notre chambre des députés ; le ruban amarante de Léopold est une contrefaçon de la légion d’honneur ; les deux tours carrées de Sainte-Gudule, belles d’ailleurs, ont un faux air de Notre-Dame. Enfin, par un malencontreux hasard, la petite rivière qui passe à Bruxelles s’appelle, pas tout à fait la Seine, mais la Senne.

Voilà encore cette fois un volume, chère amie. Pardonne-le-moi et aime-moi. Dis à ma Didine que je compte lui écrire la prochaine fois. Serre la main de ma part à notre père et embrasse nos chers petits qui doivent s’amuser maintenant, j’espère. Fais aussi toutes mes amitiés à notre bon Châtillon que je crois avoir oublié dans ma dernière lettre.

Je t’embrasse mille fois.


À propos, je n’ai pas vu à Bruges une seule circassienne.