LETTRE VII.
Les bords de la Meuse. — Huy. — Liège.
Le chemin de Liège s’éloigne de Namur par une allée de magnifiques arbres. Ces immenses feuillages font de leur mieux pour cacher au voyageur les maussades clochers de la ville, lesquels apparaissent de loin comme un gigantesque jeu de quilles diapré de quelques bilboquets. Au moment où l’on sort de l’ombre de ces beaux arbres, le vent frais de la Meuse vous arrive au visage, et la route se remet à côtoyer joyeusement la rivière. La Meuse, grossie désormais par la Sambre, a élargi sa vallée ; mais la double muraille de rochers reparaît, figurant à chaque instant des forteresses de cyclopes, de grands donjons en ruine, des groupes de tours titaniques. Ces roches de la Meuse contiennent beaucoup de fer ; mêlées au paysage, elles sont d’une admirable couleur ; la pluie, l’air et le soleil les rouillent splendidement ; mais, arrachées de la terre, exploitées et taillées, elles se métamorphosent en cet odieux granit gris bleu dont toute la Belgique est infestée. Ce qui donnait de magnifiques montagnes ne produit plus que d’affreuses maisons.
Dieu a fait le rocher, l’homme a fait le moellon.
On traverse rapidement Sanson, village au-dessus duquel achèvent de s’écrouler dans les ronces quelques tronçons d’un château fort bâti, dit-on, sous Clodion. Le rocher figure là un visage humain, barbu et sévère, que le conducteur ne manque pas de faire remarquer aux voyageurs. Puis on gagne Andennes, où j’ai remarqué, rareté inappréciable pour les antiquaires,