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STRASBOURG.



LETTRE XXX.
Strasbourg.


La cathédrale. — La façade. — L’abside. — L’auteur s’exprime avec une extrême réserve sur le compte de son éminence monseigneur le cardinal prince de Rohan, évêque de Strasbourg. — Les vitraux. — La chaire. — Les fonts baptismaux. — Deux tombeaux. — Quelques âneries à propos d’un anglais. — Le bras gauche de la croix. — Le bras droit. — Le suisse malvenu et malmené. — Le Munster. — Qui l’auteur rencontre en y montant. — L’auteur sur le Munster. — Strasbourg à vol d’oiseau. — Panorama. — Statues des deux architectes du clocher de Strasbourg. — Saint-Thomas. — Le tombeau du maréchal de Saxe. — Autres tombeaux. — Au-dessus du prêtre, le curé ; au-dessus du curé, l’évêque ; au-dessus de l’évêque, le cardinal ; au-dessus du cardinal, le pape ; au-dessus du pape, le sacristain. — Le gros bedeau joufflu offre à l’auteur de le conduire dans une cachette. — Un comte de Nassau et une comtesse de Nassau sous verre. — Quelle est la dernière humiliation réservée à l’homme.


Septembre.

Hier j’ai visité l’église. Le Munster est véritablement une merveille. Les portails de l’église sont beaux, particulièrement le portail roman, il y a sur la façade de très superbes figures à cheval, la rosace est noble et bien coupée, toute la face de l’église est un poème savamment composé. Mais le véritable triomphe de cette cathédrale, c’est la flèche. C’est une vraie tiare de pierre avec sa couronne et sa croix. C’est le prodige du gigantesque et du délicat. J’ai vu Chartres, j’ai vu Anvers, il me fallait Strasbourg.

L’église n’a pas été terminée. L’abside, misérablement tronquée, a été arrangée au goût du cardinal de Rohan, cet imbécile, l’homme du collier. Elle est hideuse. Le vitrail qu’on y a adapté a un dessin de tapis courant ; c’est ignoble. Les autres vitraux sont beaux, excepté quelques verrières refaites, notamment celle de la grande rose. Toute l’église est honteusement badigeonnée ; quelques parties de sculpture ont été restaurées avec quelque goût. Cette cathédrale a été touchée par toutes mains. La chaire est un petit édifice du quinzième siècle, gothique fleuri, d’un dessin et d’un style ravissants. Malheureusement on l’a dorée d’une façon stupide. Les fonts baptismaux sont de la même époque et supérieurement restaurés. C’est un vase entouré d’une broussaille de sculpture la plus merveilleuse du monde. À côté, dans une chapelle sombre, il y a deux tombeaux. L’un, celui d’un évêque du temps de Louis V, est cette pensée redoutable que l’art gothique a exprimée sous toutes les formes : un lit sous lequel