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LE RHIN.

siècle ; les Hohenstaufen, les Guelfes et les Wittelsbach l’ont habité, et il a été assiégé et pris huit fois de 1620 à 1640. Schœnberg, d’où sont sorties la famille des Belmont et la légende des Sept-Sœurs, a vu naître le grand général Frédéric de Schœnberg, dont la singulière destinée fut d’affermir les Bragance et de précipiter les Stuarts. Le Rheinfels a résisté aux villes du Rhin en 1225, au maréchal de Tallard en 1692, et s’est rendu à la République française en 1794. Le Stolzenfels était la résidence des archevêques de Trèves. Rheineck a vu s’éteindre le dernier comte de Rheineck, mort en 1544 chanoine custode de la cathédrale de Trèves. Hammerstein a subi la querelle des comtes de Vétéravie et des archevêques de Mayence, le choc de l’empereur Henri II en 1017, la fuite de l’empereur Henri IV en 1105, la guerre de Trente Ans, le passage des suédois et des espagnols, la dévastation des français en 1689, et la honte d’être vendu cent écus en 1823. Gutenfels, la fière guérite de Gustave-Adolphe, le doux asile de la belle comtesse Guda et de l’amoureux empereur Richard, quatre fois assiégé, en 1504 et en 1631 par les hessois, en 1620 et en 1642 par les impériaux, vendu, en 1289, par Garnier de Munzenberg à l’électeur palatin Louis le Sévère, moyennant deux mille cent marcs d’argent, a été dégradé en 1807 pour un bénéfice de six cents francs. Cette longue et double série d’édifices à la fois poétiques et militaires, qui portent sur leur front toutes les époques du Rhin et qui en racontent toutes les légendes, commence devant Bingen, par le château d’Ehrenfels à droite et la Tour des Rats à gauche, et finit à Kœnigswinter par le Rolandseck à gauche et le Drachenfels à droite. Symbolisme frappant et digne d’être noté chemin faisant, l’immense arcade couverte de lierre du Rolandseck faisant face à la caverne du dragon qu’assomma Sigefroi le Cornu, la Tour des Rats faisant face à l’Ehrenfels, c’est la fable et l’histoire qui se regardent.

Je n’enregistre ici que les châteaux qui se mirent dans le Rhin et que tout voyageur aperçoit en passant. Mais pour peu qu’on pénètre dans les vallées et dans les montagnes, on rencontre une ruine à chaque pas. Dans la seule vallée de la Wisper, sur la rive droite, en une promenade de quelques lieues, j’en ai constaté sept : le Rheinberg, château des comtes du Rhingau, écuyers tranchants héréditaires du saint-empire, éteints au dix-septième siècle, redoutable forteresse qui inquiétait jadis la grosse commune de Lorch ; dans les broussailles, Waldeck ; sur la montagne, à la crête d’un rocher de schiste, près d’une source d’eau minérale qui arrose quelques chétives cabanes, le Sauerburg, bâti en 1356 par Robert, comte palatin, et vendu mille florins, pendant la guerre de Bavière, par l’électeur Philippe à Philippe de Kronberg, son maréchal ; Heppenheff, détruit on ne sait quand ; Kammerberg, bien domanial de Mayence ; Nollig, ancien castrum dont il reste une tour ;