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LE RHIN.

qu’Oberwesel, bailliage de Trèves, vieille cité charmante, qui conserve une idole dans son église, au-dessus de laquelle deux clochers romans accouplés par un pont ressemblent à deux grands bœufs sous un joug. J’y ai remarqué, près de la porte de ville en amont, une ravissante abside ruinée. C’est Caub, la ville des palatins. C’est Braubach, nommée, dans une charte de 933, fief des comtes d’Arnstein du Lahngau, ville impériale sous Rodolphe en 1279, domaine des comtes de Katzenellenbogen en 1283, qui échoit à la Hesse en 1473, à Darmstadt en 1632, et en 1802 à Nassau.

Braubach, qui communique avec les bains du Taunus, est admirablement située au pied du haut rocher qui porte à sa cime le Markusburg. Le vieux château de Saint-Marc est aujourd’hui une prison d’état. Tout marquis veut avoir des pages. Il me paraît que M. de Nassau se donne les airs d’avoir des prisonniers d’état. C’est un beau luxe.

Douze mille six cents habitants dans onze cents maisons, un pont de trente-six bateaux construit en 1819 sur le Rhin, un pont de quatorze arches sur la Moselle bâti en pierre de lave sur les fondations mêmes du pont édifié vers 1311 par l’archevêque Baudoin au moyen d’une large dépense d’indulgences ; le célèbre fort Ehrenbreitstein, rendu aux français le 27 janvier 1799 après un blocus où les assiégés avaient payé un chat trois francs et une livre de cheval trente sous ; un puits de cinq cent quatrevingts pieds de profondeur, creusé par le margrave Jean de Bade ; la place de l’arsenal, où l’on voyait jadis la fameuse couleuvrine le Griffon, laquelle portait cent soixante livres et pesait vingt milliers ; un bon vieux couvent de franciscains converti en hôpital en 1804 ; une Notre-Dame romane, restaurée dans le goût Pompadour et peinte en rose ; une église de Saint-Florin, convertie en magasin de fourrage par les français, aujourd’hui église évangélique, ce qui est pire au point de vue de l’art, et peinte en rose ; une collégiale de Saint-Castor enrichie d’un portail de 1805 et peinte en rose ; point de bibliothèque ; voilà Coblentz, que les français écrivent Coblentz par politesse pour les allemands, que les allemands écrivent Coblence par ménagement pour les français. D’abord castrum romain dans l’Altehof, puis cour royale sous les francs, résidence impériale jusqu’à Louis de Bavière, ville patronnée par les comtes d’Arnstein jusqu’en 1250, et, à dater d’Arnould II, par les archevêques de Trèves, assiégée en vain en 1688 par Vauban et par Louis XIV en personne, Coblentz a été prise par les français en 1794 et donnée aux prussiens en 1815. Quant à moi, je n’y suis pas entré. Tant d’églises roses m’ont effrayé.

Comme point militaire, Coblentz est un lieu important. Ses trois forteresses font face de toutes parts. La Chartreuse domine la route de Mayence,