Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome I.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
MAYENCE.

nations presque classiques de la renaissance, gardant la pureté des ogives et des archivoltes, sarclant les chicorées de Louis XV partout où elles se hasardaient, maintenant dans toute la vivacité de leurs profils et de leurs arêtes les pignons taillés et les sévères hôtels du quatorzième siècle ; et qu’elles ne se soient retirées, comme le lion devant l’âne, qu’en présence de l’art bête et abominable des architectes parisiens de l’empire et de la restauration. À Mayence et à Francfort, l’architecture Rubens, la ligne gonflée et puissante, le riche caprice flamand, l’épaisse et inextricable végétation des grillages de fer chargés de fleurs et d’animaux, l’inépuisable variété des encoignures et des tourelles ; la couleur, le phénomène ; le contour joufflu, pansu, opulent, ayant plus de santé encore que de beauté ; le mascaron, le triton, la naïade, le dauphin ruisselant, toute la sculpture païenne charnue et robuste, l’ornementation énorme, hyperbolique et exorbitante, le mauvais goût magnifique, ont envahi la ville depuis le commencement du dix-septième siècle, et ont empanaché et enguirlandé, selon leur poétique fantasque, la vieille et grave maçonnerie allemande. Aussi ce ne sont partout que devantures historiées, ouvrées et guillochées ; frontons compliqués de pots à feu, de grenades, de pommes de pin, de cippes et de rocailles, offrant des profils de buissons d’écrevisses, et pignons volutes à trois marteaux comme la perruque de cérémonie de Louis XIV.

Vues à vol d’oiseau, Mayence et Francfort, ayant l’une sur le Rhin, l’autre sur le Mein, la même position que Cologne, ont nécessairement la même forme. Sur la rive qui leur fait lace, le pont de bateaux de Mayence a produit Castel, et le pont de pierre de Francfort a produit Sachshausen, comme le pont de Cologne a produit Deutz.

Le dôme de Mayence, de même que les cathédrales de Worms et de Trêves, n’a pas de façade, et se termine à ses deux extrémités par deux chœurs.



Ce sont deux absides romanes, ayant chacune son transept, qui se regardent et que réunit une grande nef. On dirait deux églises soudées l’une à l’autre par leur façade. Les deux croix se touchent et se mêlent par le pied. Cette disposition géométrale engendre en élévation six campanules, c’est-à-dire sur chaque abside un gros clocher entre deux tourelles, ainsi que le prêtre entre le diacre et le sous-diacre, symbolisme que reproduit,